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LETTRES SUR L’INDE ANGLAISE.

rieux les Cipayes massacraient leurs officiers sans crainte du châtiment qui les attendait.

Portant à un haut degré le sentiment de la dignité militaire, il était fort difficile, lorsque l’usage de la bastonnade régnait dans l’armée indienne, de se procurer des recrues, excepté dans les plus basses classes. Cette honteuse punition a plus d’une fois entraîné de fatales conséquences : un capitaine de cavalerie frappe un jour un Mahométan ; le soldat se redresse, rouge d’indignation : « Monsieur, est-ce là le traitement d’un soldat ? Permettez-moi de vous dire que jamais homme n’a levé la main sur moi. » De nouveaux coups, accompagnés d’épithètes insultantes, furent la seule réponse de l’officier. Le soldat, poussé à bout, attaqua son capitaine avec tant de fureur, qu’il l’étendit à ses pieds et le laissa pour mort. Il fut bientôt saisi, et subit le dernier supplice, sans jamais convenir que son action fût un crime.

Quelques années après, le colonel du même régiment fut également assassiné. Le meurtrier ne chercha point à s’enfuir, et, bien loin de manifester le moindre repentir, il ne cessa de répéter qu’il avait rendu un service signalé en délivrant son régiment d’un pareil tyran.

Les injures, les termes de mépris, révoltent aussi la fierté de ces soldats, et ce n’est pas en leur parlant avec dureté qu’on les fera marcher au combat. Un général justement aimé des troupes devait un jour conduire sa division à l’attaque d’une batterie ; il résolut d’enlever la position à la bayonnette. Une