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VOYAGE AUTOUR DU MONDE.

vivres de mer, consistant en bœuf et en porc salés.

Les îles Malouines sont vraiment une terre de promission pour ceux que le goût de la chasse entraîne. On n’a que l’embarras du gibier ; et celui-ci peu craintif ne s’éloigne que lorsqu’on va le toucher. La quantité d’oiseaux et de lapins qu’on tua pendant notre séjour fut énorme, et on y joignit encore plusieurs cochons sauvages et deux jeunes taureaux. Les oiseaux de proie, d’une confiance sans égale, venaient arracher le gibier des mains du chasseur, et ceux qui dans les premiers temps cachaient des oies ou d’autres oiseaux dans l’herbe, pour les reprendre au retour, n’en trouvèrent jamais les moindres vestiges. Une buse bleue était remarquable par son effronterie et sa grossière gloutonnerie. Quant aux nigauds, espèce de cormoran singulièrement multipliée, dont le nom indique assez la stupidité, on pouvait tuer tous les individus d’une troupe un à un, sans que leurs compagnons prissent leur vol et parussent avoir la conscience du danger auquel ils étaient exposés. Pour les manchots, leur chair huileuse et dure les fit dédaigner ; car, lorsqu’ils se trouvent à terre, où ils se rendent toujours par milliers d’individus, ils ne savent ni fuir, ni résister.

En allant visiter le Port-Louis, le premier pas que je fis sur la grève me plaça en face d’un tombeau : une ardoise servait d’inscription tumulaire, et de mausolée à un pauvre marin anglais dont les cendres reposaient en paix à une aussi grande distance