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ARCHIVES GÉOGRAPHIQUES.

précédente campagne, et qui ne sortirent de cette île déserte qu’après un séjour prolongé et de nombreuses privations. En arrivant sur la plage ou l’Uranie avait été abandonnée, nous retrouvâmes encore la coque de ce navire, des carronades enfoncées dans le sable, des caisses en fer, des débris de toutes sortes. Les vagues bouleversées par les tempêtes des hivers rigoureux de ces hautes latitudes avaient soulevé au-dessus d’une petite chaîne de rochers sa carcasse froissée. Là paraissait l’emplacement qu’occupaient les naufragés ; là se trouvait le lieu où leurs inquiétudes bien souvent durent rendre amères leurs réflexions ; puis, reportant mes regards sur la Coquille qui paraissait au loin dans toute sa grâce nautique, je me disais : « À peine venons-nous de quitter la France : notre ardeur est sans bornes comme nos illusions ! quel sera l’écueil où viendra se briser cette machine flottante ? reverra-t-elle le port ? une île déserte doit-elle être notre dernière demeure, ou bien l’estomac d’un cannibale sera-t-il notre tombeau ?… »

En quittant le vaissau dès trois heures du matin, nous espérions jouir d’un temps passable. Mais bientôt des tourbillons de vents se firent sentir, et une pluie qui tomba par nappes serrées, sans discontinuer, nous trempa complétement. En vain cherchâmes-nous un abri, une grotte sur ces longues plages uniformes, bordées de dunes sablonneuses ; rien ne put nous garantir des averses du ciel, et notre canot était à près de deux lieues du point où nous nous étions rendus pour chasser.