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ARCHIVES HISTORIQUES.

Il ne resta au Caire que les femmes, les enfans, et les vieillards qui ne pouvaient marcher ; tous se cachaient dans les maisons ; on ne voyait personne dans les rues. Le prix de la poudre, du plomb et des armes augmenta tellement, qu’un rotle[1] de poudre se vendait 70 grouchs[2] et le plomb 90. On ne trouvait plus d’armes à acheter. Quelques rayas se rendirent sous les tentes, les autres restèrent cachés dans les maisons : enfin tous les hommes qui étaient au Caire se rendirent à Boulaq, et y restèrent depuis le moment où Ibrahim-bey vint y établir son camp, jusqu’à la déroute.

« Ibrahim-bey envoya chez les Arabes voisins du Caire, et leur ordonna de se mettre en avant-garde. Murad-bey rassembla aussi un grand nombre d’Arabes de Bahira, de Djizé, de Saïd, de Habraïat, de Néfiat, et les enfans d’Ali, d’Inadi, etc. Chaque jour leur troupe augmentait ; le pauvre souffrait beaucoup et priait les grands de lui donner des vivres.

« Le pays de Rïaf était en proie à la guerre civile ; ils se battaient entre eux, pillaient les Arabes des environs et attaquaient les villages ; enfin l’Égypte, depuis un bout jusqu’à l’autre, était dans la terreur ; il n’y avait que meurtres et brigandages. Les princes firent saisir les négocians européens ; on en emprisonna quelques-uns au château, et d’autres,

  1. Rotle (livre de 180 drachmes ; centième partie du k’anthar, quintal Turc) qui équivaut à 57 kil. 600.
  2. Grouch, piastre turque de 48 paras, moins forte en Égypte où elle était frappée que celle de Constantinople, où elle valait de 35 à 40 sous de France, lors de l’expédition d’Égypte.