On voit que, si l’armée part d’Orembourg, les provinces ultrà-caucasiennes ne jouent qu’un rôle secondaire dans l’histoire de l’invasion ; mais, si le débarquement est jugé préférable, elles deviennent le siége et le point d’appui de l’expédition. Dans ce cas, elles travaillent aussi à l’agrandissement de cet empire qui va conquérant de toutes parts des terres et des soldats. Elles lui paient largement le bienfait de sa protection onéreuse et de sa rude administration. Elles s’associent à sa destinée, et prennent leur part dans les dépouilles des nations. La guerre en Orient !… quelle séduction pour des barbares, et comme on oublie vite la misère de son pays et les rigueurs des officiers russes, quand on a pillé Samarcande et qu’on a l’Inde ouverte devant soi ! Ainsi, telle est la destinée de la Russie, qu’une acquisition l’entraîne nécessairement à une autre, et que, pour faire pardonner ses usurpations à de nouveaux sujets, il faut qu’elle les rende complices d’une usurpation nouvelle. Où s’arrêtera le torrent, et quelle digue le resserrera dans ses limites ? c’est le secret de l’avenir.
Nous n’ajouterons plus qu’un seul mot : lorsque Rome et Carthage se saisirent corps à corps, prenant pour champ de bataille la terre et les mers, le monde entier fut précipité dans la querelle. L’Europe se rappellera cette antique histoire, quand la Russie disputera pièce à pièce à l’Angleterre ses comptoirs de l’Inde.