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RUSSIE.

cette destinée commune à toutes les frontières russes, c’est d’être une station militaire, une place d’armes et d’observation.

Sans doute le territoire inégal et malsain des provinces caucasiennes n’est pas aussi favorable que les plaines de la Pologne, à la disposition de ces camps renouvelés des Romains où l’on forme des régimens russes à la conquête du monde. Pourtant ces obstacles naturels qui détruisent radicalement la possibilité d’un vaste développement commercial, ne s’opposent guère à un certain développement de force militaire. Les communications sont rares et difficiles dans l’isthme, il est vrai ; mais les deux routes qui existent suffisent au passage d’une armée. La population est pauvre et clair-semée : elle aurait donc peu de chances de succès en cas de révolte ; cette pauvreté même et ce fier dédain pour la vie agricole et paisible l’exciteront nécessairement à s’enrôler dans les troupes russes, s’il s’offre espoir de combat et de butin. La guerre demeure donc le moyen le plus naturel d’utiliser ces possessions coûteuses : c’est également celui qui convient le mieux à l’organisation présente de la Russie.

Mais cette guerre, qui menacera-t-elle ? quel sera son but, son théâtre ? où sera ce champ de bataille ? il est facile de le prévoir.

On ne peut croire, en effet, qu’il soit dans les intentions de la Russie de s’étendre indéfiniment aux dépens de la Perse et de la Turquie d’Asie. De nouveaux empiétemens sur ces deux états, n’ajouteraient rien à sa puissance et à sa richesse et l’engageraient dans des luttes journalières avec les tribus indépendantes qui couvrent cette partie de l’empire Turc, et surtout de la Perse. Que faire d’une longue suite de provinces telles que les khanats d’Erivan, et de Naczkhiwan où l’on trouve deux villes et à peine quelques villages, où la population est nomade presque tout entière, et promène ses tentes de désert en désert. La Russie compte déjà tant de possessions de ce genre, qu’elle ne doit pas en désirer davantage ;