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RUSSIE.

une première fois les périls de cette route ? Ici, les difficultés se présentent en foule. Si les marchands traversent la Perse pour embarquer leurs produits sur le golfe Persique et les envoyer à Bombay, qui leur donnera et des vaisseaux de transport et des navires de guerre pour assurer le trajet ? Et s’ils préfèrent la route de terre par l’Afghanistan, ils n’auront d’autre débouché immédiat que l’Hindoustan, c’est-à-dire une faible partie des colonies anglaises, dont le commerce ne suffira jamais à défrayer les dépenses énormes de pareilles entreprises.

Il est de plus une autre considération que nous emprunterons textuellement à M. Klaproth, et qui nous semble décisive. « Quand même on supposerait, dit-il, que des espérances aussi chimériques puissent se réaliser, la difficulté et la cherté du transport des marchandises seraient toujours des obstacles insurmontables au commerce par terre avec l’Inde : car peut-on comparer les avantages de ce transport à ceux des transports par mer ? Les grands navires de la compagnie des Indes, par exemple, sont de douze cents tonneaux, c’est-à-dire qu’ils portent vingt-quatre mille quintaux. Un chameau, dans un voyage de longue durée, ne peut porter au plus que six quintaux. Il faudrait donc une caravane de quatre mille chameaux et de quatre cents conducteurs, outre l’escorte, pour transporter la cargaison d’un seul bâtiment de la compagnie des Indes… Qu’on calcule la différence des frais entre ces deux manières de faire arriver en Europe les marchandises de l’Asie méridionale, et l’on concevra sans peine qu’aucun commerçant ne voudrait courir les chances d’une opération de ce genre. »

Ainsi la route ordinaire de l’Inde, celle qu’a tracée sur les mers le génie de Gama, reste encore la plus prompte, la plus sûre, la plus avantageuse pour le commerce européen. Il n’ira pas compromettre ses ressources dans des entreprises hasardeuses, que la Russie encouragerait peut-être un jour pour les oublier le lendemain. Car tel est le sort de bien des plans,