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RUSSIE.

pour culte qu’un amas de superstitions incohérentes, une vénération sans motifs pour le nom du prophète Élie, un vague respect pour les croix et les églises, et de ridicules observances qu’ils ne peuvent expliquer. Leur occupation constante, c’est la guerre et le pillage. Les Lesghis infestent continuellement les confins de la Géorgie ; les Tchetchentses tiennent la route militaire, qui, traversant le Caucase, conduit de Mosdok à Vladikaukas et à Tiflis ; et telle est la terreur qu’ils inspirent, que les courriers officiels ne se hasardent à franchir ces passages, qu’avec une escorte de cent cinquante hommes et deux pièces de canon. Quant aux Abazes, ils serrent habituellement de si près le fort de Sokhoum-Kala, sur la mer Noire, que les détachemens russes ne peuvent, sans danger, aller couper du bois à plus d’une lieue des remparts. Retirés au sein de leurs rochers, où ils fabriquent leurs armes, et qui leur fournissent assez abondamment du plomb et du salpêtre, ces montagnards bravent toute la puissance des Russes, et ceux ci ne leur font sentir leur voisinage que par des expéditions sans résultat ; mais les courses à main armée suffisent pour entretenir le ressentiment des tribus et ce culte de la vengeance, ce long souvenir du sang répandu, qui, chez ces peuples, comme en Corse ou en Arabie, se transmet des pères aux fils. Ainsi, entre les Caucasiens et le joug moscovite, il y a non-seulement cette haine des envahisseurs, si naturelle à un peuple indépendant, mais encore la haine particulière de chaque famille contre les meurtriers d’un parent ou d’un ami. C’est de tels élémens si variés et si discordans, que les gouverneurs russes sont appelés à faire sortir une nation homogène, unie dans un même amour pour son souverain ; nous doutons que le jour de cette révolution soit arrivé, et qu’il soit réservé au général Paskevitch de l’accomplir.

Si de l’état moral des populations caucasiennes, nous passons à leur état matériel et à la situation physique de ce pays,