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DES POSSESSIONS ASIATIQUES AU-DELÀ DU CAUCASE.

voisins de Chirwan, de Guendjé, de Kouba, etc. Titianoff, gouverneur de la Géorgie en 1801, pour rendre plus complète la suzeraineté de l’empereur sur ces khanats, s’avisa d’un parti tranchant et décisif : c’était de chasser les familles régnantes. Dès lors, hostilités sourdes ou déclarées, menaces, corruption, tout fut employé pour accomplir cette œuvre déloyale. Le khan de Guendjé se fit bravement tuer sur son dernier canon : peu résistèrent. Cependant, en 1820, le khan de Kouba, expulsé de ses domaines, soulevait le Daghestan ; puis, battu par le général Madatoff, errant dans les montagnes avec quelques cavaliers, il ralliait encore à sa fortune les tribus indépendantes, mais sans espoir de ramener jamais la victoire sous leurs drapeaux.

Pour apaiser le ressentiment qu’une telle usurpation a dû soulever dans l’âme des vaincus, il aurait fallu le prodige d’une administration à la fois sévère et bienveillante, ferme et paternelle : tel n’a point été jusqu’à présent le caractère de l’administration russe. Le général Iermoloff n’avait pas trouvé de moyen plus sûr pour châtier les peuplades turbulentes du Caucase, que de faire couper la main droite à chaque prisonnier d’une tribu rebelle : c’est aussi à cet officier qu’on doit l’horrible usage de passer au fil de l’épée tous les habitans des villages où un soldat russe est mort assassiné. Et cependant le général Iermoloff est le gouverneur le plus distingué qui ait encore paru dans ce pays : assez instruit dans les sciences de l’Europe, dur et sévère, mais d’une probité irréprochable, ennemi du faste asiatique, ayant la taille, le port, les habitudes d’un Scythe, il effrayait les montagnards, et réprimait en même temps la rapacité de tous ces employés concussionnaires que l’empereur envoyait en exil dans ses possessions de Géorgie. Cette intégrité, objet des réclamations perpétuelles des fonctionnaires subalternes, et de vagues soupçons de connivence avec les conspirateurs de 1825, ont causé la chute