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PERSE.

publiée et présentée à l’Empereur. Or, quelle puissance de l’Europe n’aurait considéré une pareille expédition comme une attaque directe, comme un motif légitime de représailles ? Toutefois la Perse ne fit aucune observation ; mais à son tour elle chercha à établir des communications avec les Mahométans du Caucase ; ses communications ne furent pas aussi claires, aussi évidentes, et en cela elle respecta davantage le droit des gens.

Cependant des discussions s’étaient élevées entre les deux empires par rapport à des tribus, qui tantôt prétendaient appartenir à l’une des puissances, et tantôt à l’autre. Le prince royal Abbaz-Mirza, envoya pour s’entendre, l’un de ses officiers nommé Mirza-Massoud, homme distingué qui avait appris dans son pays à parler le français, et était passablement versé dans les mathématiques. On convint de nommer des commissaires afin de déterminer les limites d’une manière positive ; mais le négociateur ne partit pas de Tiflis sans avoir entendu le général russe lui dire dans une réunion publique, à haute voix et en français, de grossières injures sur son maître et le charger de les lui rapporter. Les gouverneurs limitrophes n’en usaient pas avec plus de civilité, et il serait curieux de lire la correspondance qu’eurent alors avec les Persans des hommes de rang et de distinction.

On voit quels étaient les élémens de discorde lorsque les conférences s’ouvrirent en 1823 sur la délimitation des frontières. Une ardeur inconcevable d’agrandissement s’empara des commissaires russes ; il n’y eut pas un champ, pas une monticule qui ne fut l’objet d’une contestation. Là, cependant, n’était aucune ville, aucun village habitable, mais quelques prairies servant aux nomades. Les Russes prétendaient occuper toutes les positions militaires et refouler les Persans dans la plaine ; ceux-ci défendaient le terrain pied à pied. Une politique généreuse ne pouvait certes conseiller d’arracher quelques arpens de terre à un royaume que l’on