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GÊNES.

patriciens, se rendit près d’eux, et leur proposa de nommer quatre députés pour s’entendre avec quatre membres du gouvernement, et délibérer sur les mesures à prendre. Ces députés furent l’abbé Cuneo, l’apothicaire Morando, le médecin Figari, et le médecin Vacarezza. Mais les insurgés ne voulaient les laisser partir, qu’autant que le gouvernement leur livrerait six patriciens comme otages ; ils consentirent cependant à une suspension d’armes, et à attendre ce qui serait arrêté au sénat.

Alors les événemens prirent un caractère grave dans la ville. Les charbonniers et les portefaix, au nombre de cinq à six mille, s’étant répandus partout, en étaient venus aux mains avec les insurgés, et les avaient repoussés. L’apothicaire Morando, l’un des députés nommés par le peuple pour aller au palais, était demeuré seul et abandonné sous la loge de Banchi : plusieurs chefs de l’insurrection cherchèrent bientôt avec lui, dans la maison du ministre, un asile contre la furie des charbonniers. Ceux-ci s’étaient disséminés par pelotons de quinze à vingt, dans chaque rue. Le cri de ralliement était Viva Maria ! viva il nostro Principe ! morte ai Francesi. Dès le principe de l’insurrection, quelques révoltés avaient pris la cocarde tricolore pour signe de ralliement ; cette malheureuse distinction devint fatale aux Français. Toute personne française ou génoise qui était rencontrée avec cette cocarde était à l’instant arrêtée, dépouillée, maltraitée de coups de crosse, et traînée par les cheveux ; deux officiers d’artillerie français, qui sortaient de chez le ministre, où ils étaient venus pour affaires concernant le dépôt d’artillerie établi à Saint-Pierre d’Arena, furent assaillis à la porte de trois coups de fusil, qui heureusement ne les atteignirent pas. Les charbonniers les arrêtèrent, les dépouillèrent, leur arrachèrent leurs épaulettes et les conduisirent en prison : puis ils cernèrent la maison du ministre, et couchaient en joue toutes les personnes qui paraissaient aux fenê-