Page:Revue des Deux Mondes - 1829 - tome 2.djvu/252

Cette page a été validée par deux contributeurs.
246
POLYNÉSIE.

naufrage de La Pérouse et les vestiges qui en restaient encore à Vanikoro.

J’eus le regret d’apprendre qu’enfin, après de longues hésitations, Dillon s’était dirigé vers ce point ; qu’il y avait recueilli d’importans débris, et qu’il nous avait prévenus dans l’objet de nos recherches. Cependant je ne crus point que cette considération pût me dispenser de conduire la corvette à Vanikoro pour visiter l’île dans le plus grand détail, et nous y procurer de nouveaux renseignemens. D’ailleurs les honneurs funèbres devaient être rendus aux mânes des infortunés qui périrent victimes de leur dévouement, sur les plages de Vanikoro, et il n’appartenait qu’à des Français de payer cette dette de la patrie.

Vainement je pressai le Prussien Butchert, dont le nom a été consacré par les récits de Dillon, de m’accompagner à Vanikoro pour me servir de guide. La crainte de la fièvre l’arrêta : le même sentiment rendit sourd à toutes mes instances les naturels que je voulus persuader. Montrer la terre et faire le signe d’un homme mort était leur unique réponse. Je me décidai donc à emmener deux baleiniers anglais, déserteurs de leur bâtiment, qui résidaient depuis neuf mois à Tikopia, et dont l’un parlait passablement la langue de cette île. Déjà fatigués du régime diététique de ces bons sauvages, ils préféraient courir de nouveau les dangers et les fatigues de la mer, afin de participer aux ressources de la civilisation européenne.

Sur les indications des habitans de Tikopia, la corvette gouverna à l’O. N. O., et, quoique nous fussions singulièrement contrariés par les calmes, dès le lendemain au soir, au coucher du soleil, les sommités de Vanikoro se montraient aux bornes de l’horizon comme deux ou trois petites îles séparées. À cet aspect, nos cœurs furent agités par un mouvement indéfinissable d’espérance et de regrets, de douleur et de satisfaction. Enfin nous avions sous les yeux le point mystérieux