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POLYNÉSIE.

prise et l’inquiétude m’agitaient tour à tour ; j’attendais avec une impatience sans bornes le moment où j’allais enfin me procurer, de la bouche des autorités de la Tasmanie, des renseignemens plus positifs que les récits mutilés et incohérents de l’honnête pilote.

Je dois avouer que les réponses aux questions que j’adressai aux personnes les plus respectables de la colonie furent loin de fixer mon incertitude. Le capitaine Dillon ne leur avait inspiré aucune confiance, et sa conduite envers le docteur Tytler lui avait aliéné l’opinion publique. Cependant il me parut impossible que ce marin eût pu controuver dans toute leur étendue des rapports aussi détaillés que ceux qu’il avait donnés. Dans le doute, je pensai que l’honneur de la mission de l’Astrolabe, que la gloire de la marine et même de la nation française exigeaient de moi la résolution d’aller constater l’exactitude du récit du navigateur anglais.

Dès-lors je renonçai aux nouveaux projets de découvertes que je méditais encore, et, ne donnant pas même une minute de plus de repos à l’équipage, je dirigeai l’Astrolabe vers les parages de Vanikoro. Sans partager mon espoir, mes braves compagnons de voyage s’unirent avec joie à ma nouvelle entreprise : ils oublièrent tous les maux qu’ils allaient encore éprouver.

Pour la seconde fois, de la pointe refroidie de la Tasmanie, notre corvette s’avança rapidement vers les climats brûlans de la zône torride. Les huit cents lieues qui nous séparaient à Hobart-Town du théâtre de nos recherches furent bientôt franchies, et, le 10 février au soir, l’Astrolabe cinglait paisiblement devant Tikopia, îlot isolé, couvert de verdure, et qui, sur la vaste étendue des flots, semble un bouquet d’arbres jetés à l’aventure au milieu d’une immense prairie.

Nos communications avec les naturels eurent bientôt prouvé que M. Dillon n’en avait point imposé, et que ses relations étaient vraies, du moins quant au fait essentiel, savoir : le