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MOSCOU.

novembre dernier, un jeune homme qui avait été détenu huit mois pour cause d’hérésie ; il n’avait jamais été jugé ; cependant on l’avait emprisonné et mis au secret.

Il y a aussi à Moscou des temples de tous cultes, et un, entr’autres, qu’on ne peut cependant pas tout-à-fait qualifier de mosquée, et qui est consacré à la religion tartare. J’y allais un vendredi ; comme il n’y a pas de minaret du haut duquel on puisse appeler les fidèles à la prière, l’iman était monté sur un mur, et dans cette position un peu difficile, il exhortait le peuple à la prière, en criant d’une voix cadencée : « La ilahè illallah ! à la prière ! la prière doit être préféré au sommeil. » À mon approche, la porte s’ouvrit ; mais comme je ne me montrais pas fort disposé à quitter mes bottes fourrées, un jour ou le thermomètre marquait 10° au-dessous de zéro, je fus obligé de faire un compromis, dont les conditions étaient que je m’abstiendrais de cracher sur le plancher. Moyennant cet arrangement, je fus placé sur un banc, dans un des coins les plus solitaires du temple.

Quand un Tartare entrait, il ôtait de suite ses bottes, et se plaçait sur un tapis, la face tournée du côté de la Mecque ; il se prosternait ensuite trois fois, quelques-uns même continuent cet exercice pendant l’espace de dix minutes. Ces gens-là se couvrent les yeux avec leurs mains, qu’ils posent sur l’orifice de leurs oreilles ; ils les joignent ensuite sur la poitrine, et restent dans un silence religieux. Je crois que par les deux premiers mouvemens, ils veulent témoigner que leurs yeux et leurs oreilles sont fermés à tout bruit ou à toute vue terrestre. Debout, et le visage tourné vers la Mecque, ils observent un silence qu’ils n’interrompent que par des prostrations ou de profonds soupirs. Le Mollah qui, pendant environ une demi-heure, était resté comme les autres à faire ses actes de dévotion, monta alors sur un endroit un peu élevé, et, s’appuyant sur une canne de roseau, fit un discours que je ne pus pas comprendre en entier. À la fin, lorsque le