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MOSCOU.

tenta de le détruire, et qui manifesta sa puissance en conservant intact le verre qui recouvrait le saint. Les femmes étaient parées de tous leurs atours, et quelques-unes, malgré la petitesse de leurs yeux, paraissaient séduisantes et jolies.

Tartares, Persans, Français, Allemands, Anglais et Russes, tous se mêlaient aux fidèles et accompagnaient la procession autour des murs du Kremlin. Ce spectacle qui rappelait le souvenir de cette mémorable retraite récompensait bien du froid et de la fatigue qu’on éprouvait.

Personne ne peut douter que l’incendie de Moscou n’ait été l’ouvrage des Russes. Ils avaient, dès le commencement de l’invasion, adopté ce système de défense, et s’ils avaient réussi à brûler tout Moscou, Napoléon se serait probablement trouvé à la discrétion d’Alexandre. Rostopchin était l’homme qu’il fallait pour remplir une pareille commission. Si l’on ajoute foi à ce que disent les Russes, on ne devrait pas voir en lui, seulement un général habile et courageux, mais encore un homme instruit. L’anecdote suivante peut amuser et servir à montrer Rostopchin, tel qu’il est réellement. Un jeune Français avait été reçu comme précepteur dans la famille d’un noble russe, et y avait été accueilli avec cette hospitalité naturelle aux habitans. Les Russes ayant tendance à devenir corpulens, il s’avisa de tourner en ridicule le père des enfans confiés à ses soins, dans un poème intitulé Large-panse. La satire était bien écrite, et blessa l’orgueil du bienfaiteur du poète. Comme elle fut bientôt connue à Moscou, le Français reçut son passeport. À sa sortie de la ville il fut arrêté et retenu en prison, pendant deux jours. Remis en liberté au bout de ce temps, on lui apporta de la part de Rostopchin la lettre suivante, écrite en français :

« Je ne vous connais pas, et je ne veux pas vous connaître. Vous joignez à l’impudence française la belle vertu de mépriser le pays où on vous accorde follement l’hospitalité. Pourquoi avez vous choisi le métier de précepteur ? Est-ce