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SAINT-PÉTERSBOURG.

de grenier. La porte fut ouverte par un homme d’une stature et de proportions herculéennes, habillé comme l’est un paysan en été ; il portait une tunique ou froc, en calicot léger et à différens dessins, retenu au milieu du corps par une ceinture de cuir. Sa cravate était déchirée, et il n’y avait sur lui aucun vestige de chemise ; son cou nu faisait ressortir encore sa terrible barbe noire ; enfin, sa tête était couverte d’un bonnet en peau de mouton, et une touffe de laine, pendant de chaque côté, le rendait semblable à une furie. Cet être extraordinaire n’était rien moins que le propriétaire lui-même, qui nous introduisit dans son atelier, où il était occupé à une peinture descriptive des usages et coutumes russes. Le muséum de M. Orlofsky est regardé à juste titre comme la meilleure collection particulière qui soit à Saint-Pétersbourg, et il est bien digne de l’attention du voyageur. On n’y voit que peu de tableaux. M. Orlofsky s’est judicieusement abstenu de chercher à rivaliser avec l’Ermitage ; mais il s’est attaché surtout à rassembler chez lui ce qui manque dans le Musée impérial. Les armures qu’il possède sont excessivement riches, particulièrement celles des Géorgiens, des Circassiens, des Tartares et des Turcs du moyen âge. On nous montra l’épée de Sigismond, dont le fourreau, en nacre de perle, est enrichi de pierres précieuses. Il s’y trouve aussi quelques armes romaines, et un bouclier en fer en parfait état de conservation, sur lequel le pillage de Troie est admirablement exécuté. Une autre partie du palais contient plusieurs meubles magnifiques du siècle de François Ier. Il est impossible de détailler toute cette collection, qui a coûté à M. Orlofsky 26 ans de travaux. Entre autres objets, il en est deux auxquels il attache un grand prix : ce sont les empreintes ou masques de Pierre-le-Grand et de Charles xii. Le contraste qu’offrent les traits de ces deux grands hommes me frappa. La contenance de Pierre est composée et pleine de dignité, comme celle d’un homme qui méditerait encore. Le visage de Charles indique