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ÉMANCIPATION CATHOLIQUE.

tretenir aucune relation commerciale avec les protestans illibéraux. Par un calcul simple et frappant, il démontra les conséquences inévitables d’une mesure si vigoureuse[1]. Pendant trois semaines, la question fut discutée vivement, et enfin rejetée ; toutefois les discours passionnés et les appels chaleureux faits au peuple de rendre la haine pour la haine, l’exclusion pour l’exclusion, produisirent des effets que ne pouvaient prévoir les défenseurs même de la mesure. Si l’association échappa à l’accusation d’une conduite intolérante, les paysans n’en suivirent pas moins les conseils de M. Forde. Plusieurs d’entre les négocians qui avaient signé la pétition contre les catholiques se présentèrent, mais trop tard, pour appuyer leurs demandes.

Une chose digne de remarque dans l’histoire de l’association, c’est que, tout en professant les opinions les plus libérales, jamais les catholiques n’ont pris une part active dans les autres grandes questions politiques de la Grande-Bretagne. Ils ont suivi en cela les conseils de l’immortel Grattan, de ne jamais s’immiscer dans les partis des whigs et des torys. Je ne m’arrêterai pas pour examiner la question de savoir si, en suivant la marche contraire, ils ne seraient pas arrivés à des résultats plus avantageux encore pour l’Irlande ; ce serait une discussion maintenant inutile. Mais je ne puis partager l’opinion assez généralement reçue, que les catholiques, satisfaits d’un si beau triomphe, vont se reposer sur leurs lauriers. On rapporte qu’O’Connell, en apprenant le succès de la mesure, s’est écrié : La fin n’est que le commencement, et, en

  1. M. Forde suppose la population catholique de cinq millions seulement, et porte la dépense journalière de chaque individu à la faible somme de six sous, ce qui ferait à la fin de l’année près de cinq cent soixante-quinze millions de monnaie française. En faisant circuler cette somme parmi les catholiques, il aurait porté un coup mortel à toute entreprise commerciale dirigée par un négociant illibéral. L’association avait fait imprimer et répandre partout les noms de ceux qui avaient signé la pétition contre l’émancipation.