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VARIÉTÉS.

Là bondissaient en liberté les petits chevaux aux longs crins, à l’œil de feu, qui devaient se disputer le prix. Ce n’était pas la moindre gloire des cavaliers, que de saisir à force d’adresse ces agiles coursiers, de sauter à nu, sur leur dos, qui souvent n’avait jamais porté l’homme, et d’emprisonner dans une corde habilement jetée leur bouche que le mords n’avait pas encore blessée. À un signal donné, tous les concurrens s’élancèrent dans la lice, et prenant le vent sur les chevaux effrayés, qu’étonnaient le spectacle et les cris de la multitude, ils en furent bientôt maîtres, et les rendirent aussi parfaitement immobiles que le cheval le mieux dressé peut l’être sous le frein.

Un seul restait encore libre, et parcourait l’arène avec une rapidité et une brusquerie qui avait déjoué les efforts des plus hardis cavaliers. Une voix prononça le nom de Tonino, et tout le monde le répéta : lui seul, disait-on, était capable de réussir. Après l’avoir cherché partout, on le trouva enfin, solitaire, debout devant une image grossièrement sculptée de la Madone, qui dominait toute la plaine ; ses yeux, brillant d’un feu sombre, étaient fixés avec une attention inquiète sur la tente du seigneur de Guitera, tandis que sa main, passée dans sa ceinture, jouait convulsivement avec le manche de son stylet : mais personne ne fit alors cette remarque. On observa seulement qu’invité à entrer en lice, il s’agenouilla dévotement devant la Madone, sans doute pour implorer le succès de son entreprise. Bon prò ti faccia, bon succès, répétèrent pieusement les assistans en ôtant leur bonnet, et Tonino, sans leur répondre, s’élança dans la lice avec sa légèreté ordinaire. Il arriva près de la difficile capture qu’il avait à faire, et s’arrêta à cinquante pas du cheval, tandis que celui-ci, hérissant sa longue crinière, et aspirant l’air dans ses naseaux en feu, semblait se préparer à la fois à fuir et à combattre ; tous les yeux étaient fixés sur cet intéressant spectacle, chacun retenant sa voix et même son haleine,