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TURQUIE.

la tête que les assassins avaient gardée. Chaque esprit judicieux sentira qu’un parti, dans de semblables circonstances, peut en tout pays exciter un soulèvement, lorsque surtout il est fomenté par les clameurs d’un enfant de famille très-considérée, en âge de porter les armes, et qui demande à ses vassaux de venger la mort de son père leur maître…

» Sûr de la bonne harmonie qui existe entre nos cours respectives, anciennes amies, pénétré des sentimens d’honneur qui font la base du caractère de Votre Seigneurie et de celui de M. le vice-amiral de Rigny, j’accepte avec confiance l’armistice recommandé dans votre note, et puisqu’il appartient aux gouvernemens seuls de délibérer sur l’avenir de la Crète, vous ne souffrirez pas tous les deux qu’agissant un peu trop arbitrairement, je m’expose à encourir le blâme du mien. La Crète est un dépôt que le Sultan mon maître m’a confié. Faire sur elle quelques modifications est aujourd’hui une nécessité ; mais la mutiler sans être autorisé par celui qui m’y a placé, c’est me livrer avec certitude à sa juste sévérité.

» Aussitôt que les deux parties, aidées par votre impartiale influence, auront établi les bases d’un accommodement, je désire, monsieur l’amiral, qu’elles puissent former ensemble des pactes, à titre de voisins et d’amis. Je veillerai sans doute avec assiduité à ce que rien n’arrive du côté des Turcs ; j’attends de votre sagesse un service réciproque en exhortant les chefs des Grecs : mais enfin, dans le pays le plus tranquille, un fâcheux événement n’étant pas impossible, et à plus forte raison dans celui que nous cherchons à pacifier, il faudra aussitôt, si pareil malheur arrive, que la partie se présente à qui de droit. Justice devra lui être rendue, et le mal réparé autant que possible, en lui interdisant de chercher jamais à obtenir une vengeance particulière.

» Agréez, etc.

Suleïman-Pacha,
Gouverneur-général de l’île de Crète. »