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RUSSIE.

tiens mêmes, de gré ou de force, suivirent les musulmans ; ils avaient sous les yeux l’exemple des exactions inouies imposées aux Moldaves et aux Valaques depuis le jour de leur délivrance[1]. On fut donc obligé de traîner derrière soi tout ce qui était nécessaire à l’entretien des troupes, le blé, les fourrages, et jusqu’au charbon pour ferrer les chevaux. Deux ou trois mille chariots, attelés de bœufs, étaient destinés à ce service ; mais on n’eut pas atteint Chumla, qu’un grand nombre avait déjà été enlevé par les bandes musulmanes, ou avaient péri de faim, de soif et de maladies.

À Chumla, l’ocque de pain blanc (deux livres et demie) se vendit jusqu’à six francs dans les premiers jours d’août. La disette régnait presque sous la tente impériale. Peu à peu les sources diminuèrent ; les chevaux périssaient par centaines. Pendant long-temps, on s’était servi d’une petite rivière qui descend de la ville même ; Hussein-Pacha s’en aperçut, et n’envoya plus à son ennemi que des eaux corrompues et bourbeuses.

La position devenait intolérable. S’emparer de Chumla ou la bloquer était impossible ; battre si tôt en retraite était chose honteuse. On continua donc d’observer la place, en cherchant ailleurs une conquête plus aisée, qui pût faciliter en même temps les approvisionnemens de l’armée. Voilà ce qui détermina les Russes à presser l’attaque de Varna, bien plus que l’importance militaire qu’on a paru attacher à la situation de cette ville.

Après une résistance héroïque, Varna fut pris, et comment ? les Russes eux-mêmes n’ont pas essayé de le dissimuler. Grand bruit aussitôt dans les gazettes et dans les bulletins officiels. Qui n’aurait cru qu’il s’agissait d’une forteresse

  1. On ne peut imaginer qu’imparfaitement les calamités qui pèsent sur les deux belles provinces de Moldavie et de Valachie depuis l’occupation russe. Toutes les denrées y sont d’un prix excessif. Comme on a enlevé tout le bétail, les Cosaques se servent des paysans pour traîner les convois ; ils les attèlent comme des chevaux, et les traitent de même.