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NOUVEAU PROPHÈTE EN AFRIQUE.

On se rappelle que, dès la mort de Mahomed, des divisions éclatèrent parmi ses disciples à l’occasion du choix de ses successeurs : un grand schisme en résulta, qui subsiste encore. D’un côté sont rangés ceux qui ne reconnaissent de succession légitime, tant au spirituel qu’au temporel, que dans la lignée directe du Prophète, issue de son gendre A’ly, et éteinte à la douzième génération, en la personne du jeune Abou-’bqâsem Mohhammed, surnommé par excellence al-Mahdy. Enlevé, enfant encore, au culte de ses dévots partisans, ce jeune prince termina sans retour, en l’année 264 ou 267 de l’hégire (877 ou 880 de l’ère vulgaire), la série des grands Imâms ou souverains pontifes légitimes. De l’autre part se trouvent les Sonnytes, ou observateurs de la tradition, distribués plutôt que séparés en quatre sectes également orthodoxes ; ceux-ci, tout en professant un respect profond pour la descendance directe de Mahomed, n’ont point pour elle une vénération aussi exclusive, ni aussi superstitieuse que leurs adversaires qu’ils ont flétris du nom de Schyaytes ou schismatiques.

Dans l’opinion de ces derniers, le douzième Imâm, disparu du monde depuis tant de siècles, est toujours plein de vie, toujours prêt à reparaître pour réformer les abus, subjuguer la terre, et reprendre le double sceptre. Les sonnytes ne croient point à la perpétuité d’existence du Mahdy ; mais il semble avéré que les Maures, bien que professant généralement la secte orthodoxe mâlékyte, ont conservé, de leur contact prolongé avec des dynasties schyaytes, une foi aveugle, soit à la réapparition réelle du jeune Mohhammed parmi les hommes, soit à la venue d’un nouvel Imâm, son image parfaite, son représentant et son successeur légitime. Ils attendent donc ou le Mahdy lui-même, ou un Mahdy comme lui.

Est-il dès-lors surprenant que des hommes enthousiastes, et qui ont pu être plus fanatiques encore qu’ambitieux, subjuguant par leur supériorité intellectuelle le vulgaire ignorant et superstitieux, aient voulu faire croire, et aient cru eux-mêmes