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GUERRE D’ORIENT.

offrant sa protection contre leurs souverains ; cette politique s’apprête à frapper le grand coup qui doit mettre le comble à sa puissance, et dont le succès assure à la Russie, pour de longues années, une prépondérance toujours croissante sur les affaires de l’Europe.

Quelque confiance qu’on puisse avoir dans la parole particulière de l’Empereur, il est permis de penser qu’une fois à Constantinople, les armées russes n’en sortiront plus, parce que la nation entière s’opposerait à la volonté de son chef. Stamboul, conquise sur l’islamisme, demeurera au conquérant, et les efforts qu’on fera pour l’en chasser, non-seulement allumeront en Europe une guerre de longue durée, mais encore seront probablement infructueux, si, comme tout l’annonce, le cabinet de Pétersbourg demeure étroitement uni à celui de Berlin, qui est aujourd’hui placé, ainsi que lui, sur le pied militaire le plus respectable.

Il serait superflu d’insister sur la force de position de la Russie lorsqu’elle occupera les provinces turques d’Europe, la nature des lieux est un argument sans réplique ; et si l’on ajoute qu’elle donnerait la main aux Grecs à travers la Thrace et la Macédoine, que la Servie n’hésiterait plus à appuyer une cause gagnée, qu’en réunissant dans la mer Noire les deux flotte séparées aujourd’hui par les Dardanelles, elle opposerait une armée flottante à toutes les irruptions de l’Asie ; que les seules populations qui pourraient l’attaquer sont incapables d’enlever un point fortifié ; qu’enfin de l’Euphrate à la mer d’Ionie et du Danube à l’Hellespont, les lieux et les hommes lui appartiendraient, on se demande de quel côté elle serait vulnérable, et quelle nation de l’Europe oserait s’engager dans une pareille guerre.

Il y a moins de vingt ans que presque tous les peuples se sont ligués pour renverser un insatiable conquérant. L’histoire dira s’il lui fut permis de s’arrêter dans l’élan ra-