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L’EMPEREUR DON PEDRO.

l’orgueil de votre art, et animés du véritable esprit de corps, vous ne voyez des élémens de succès militaires que dans l’organisation et la discipline des armées, et non dans l’esprit d’indépendance et de liberté qui peut animer des hommes, etc. » Nous rejetâmes cette imputation, et déclarâmes que nous étions vivement portés pour un nouvel ordre de choses qui arracherait une si belle portion du globe à la domination de la métropole, et donnerait un développement rapide à ses richesses immenses et variées. La colère de l’étranger parut alors se calmer, car il nous parla sur-le-champ des privations que nous avions pu éprouver. Il voulut voir nos esquisses, nous donna des éloges gracieux, et nous indiqua avec complaisance les noms des divers sites où nous trouverions de beaux sujets pour nos pinceaux ; il nous salua ensuite cordialement, monta à cheval, et disparut.

Nous ne pûmes nous empêcher de rire de cette aventure, et cependant, lorsque ce jeune officier partit, nous crûmes remarquer en lui quelque chose qui nous intéressait vivement. Il était grand, d’une tournure élégante, et avait, dans sa physionomie, quelque chose de vif et de grave que relevaient encore les boucles noires de sa chevelure. L’air de hauteur qu’il avait pris d’abord, disparut bientôt, et nous y vîmes succéder une franchise et une brusquerie de manières vraiment aimables, qui nous captivèrent insensiblement. Son langage était rapide, compréhensif, et vraiment supérieur dans la discussion ; sa conversation seule montrait une longue habitude de l’observation et du raisonnement.

Le lendemain, au point du jour, nous entendîmes le son des cloches et le bruit de l’artillerie. Toute la population de la capitale fut sur pied de bonne heure ; elle souhaitait ardemment d’assister à la cérémonie imposante du couronnement. Tout était couleur de rose, excepté le temps, qui manifestait assez nettement quelques préjugés anciens en faveur de la cause royale ; car la pluie tombait par torrens. Ce ne fut pas sans