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VARIÉTÉS

plaisir. Un pauvre derviche y a établi son modeste et champêtre café en plein air ; nous le fréquentons nous-mêmes par un sentiment de bienveillance et de charité : son air souffrant, quelques prévenances de bon voisinage, nous ont intéressés à son sort ; je me plais chaque matin à aller causer avec lui, à le distraire un peu du sentiment de ses maux et de la perspective d’une fin prochaine[1]. Mais lorsque le soleil est dans sa force, nous abandonnons la tente, et nous parcourons le plus souvent le revers de la branche occidentale et inférieure de l’Olympe, qui se dirige vers le lac d’Apollonie. Rien de gracieux et de frais comme le penchant de cette montagne, où l’on rencontre à chaque pas des points de vue ravissans, où la promenade est rendue facile par une multitude de sentiers pittoresques. Des routes pavées et bordées de haies fleuries suivent, en serpentant, toutes les sinuosités de la montagne, à travers de beaux vergers et de riches vignobles ; elles semblent former les étages de cet édifice de verdure, couronné de grands marronniers. Ces chemins conduisent à Tchèkirguè, village renommé par ses bains, ses cultures, et la mosquée de Molla Khoudawendghiar surnom de Murad Ier, l’un des plus grands princes de la dynastie d’Osman. Enfin, quelque part que nous allions, nuit et jour, l’air retentit des chants du rossignol, et sa mélodie non interrompue redouble encore le bien-être que nous devons à cette nature enchantée.

Je ne vous parlerai point de nos travaux pour rendre notre établissement confortable : il suffira de dire que rien ne nous manque. Une grotte creusée dans le rocher, au-dessous même de notre tente, sert de cuisine ; l’eau froide, l’eau chaude, presque bouillante, coulent auprès de nous pour sa-

  1. En effet, dans le mois d’octobre suivant, lorsque je revins à Brousse, le bon derviche n’existait plus ; on le trouva mort un matin. Son tombeau est voisin de son café champêtre.