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de le critiquer, et celui qui se dit sage a beau jeu lorsqu’il se plaint de ce que sa voix vaut tout juste celle de l’ignorant. Pourtant, s’il est vraiment sage, il le prouvera en instruisant l’ignorant et en l’amenant à penser comme lui. S’il ne le peut, quel signe me donnera-t-il de sa sagesse, et de quoi se plaint-il, sinon de ne pas l’emporter sur les autres par droit de nature, c’est-à-dire de ne pas être despote ?

La République étant ainsi constituée, nous apercevons déjà quelles sont les principales conditions de son existence. Qu’ai-je dit à la minorité pour la ramener à la discipline : convertissez. Il faut que la parole et l’écrit soient libres dans une République, sans quoi le droit des majorités serait despotique.

Il est clair que les Républiques peuvent, en partant de là, s’organiser de mille façons, mais il est nécessaire qu’elles s’organisent ; car on ne peut toujours siéger aux assemblées populaires. Il faut travailler. Le temps est précieux. Et vous savez comment, dans les sociétés, la division du travail permet de gagner du temps. Je charge mon voisin de faire pour moi une chose, et je fais pour lui une autre chose. Il est donc naturel qu’un citoyen, retenu par son travail, puisse charger son voisin d’aller voter pour lui. Le chargera-t-il d’un certain suffrage immuable ? Ce serait oublier l’importance de la délibération, ce serait écarter la raison de la direction des affaires, et violer aussi le principe que nous posions tout à l’heure : cela ferait rentrer la Monarchie dans la République. Je chargerai donc mon voisin d’examiner et de décider pour moi en même temps que pour lui.

Il est clair que s’il se décide comme je l’aurais fait, et s’il me donne de bonnes raisons pour justifier l’avis qu’il a donné, je serai disposé à le déléguer encore à ma place. Et rien n’empêche que d’autres le délèguent aussi. Et je pourrai le déléguer pour plusieurs questions au lieu de le déléguer pour une seule. Dans tout cela je ne sacrifie à aucun moment la puissance qui appartient à mon opinion comme à celle de tous les autres. De là résultera une organisation quelconque du pays en groupes de citoyens (par région, par métier, par âge), dont chacun choisira, toujours par le moyen du vote, un délégué. Tel est le fondement et le principe de tout État républicain.

Considérons maintenant comment un tel État peut retomber en monarchie. Il n’y peut retomber si les citoyens ne revêtent l’âme