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II. ― PRÉDISPOSITIONS INTELLECTUELLES

Pascal poursuivit ses études de mathématiques et de physique et s’y est acquis un beau nom. C’est à ces études qu’il dut sa conception de la connaissance scientifique. Un système comme celui de Descartes, tendant à réduire la connaissance de la nature à certaines propositions fondamentales et à préparer ainsi des bases rationnelles au travail de la raison humaine — un tel système lui semblait condamné par avance. On lui a appliqué justement le nom de positiviste expérimentaliste. Dès sa période « mondaine » il avait compris qu’étant données la multiplicité, la complexité et la variété des phénomènes psychiques, ce n’est pas à « l’esprit de géométrie », c’est-à-dire au raisonnement procédant par déductions purement mathématiques qu’il faut demander la compréhension de ce qui se passe dans l’âme humaine. En psychologie, il importe avant tout de rapporter à certains types les phénomènes multiples, de s’identifier par la pensée à chacun de ces types et de chercher à en connaître les mobiles et les préoccupations. Ici le raisonnement mathématique se trouverait en défaut ; seul « l’esprit de finesse », sens subtil des types et des nuances, nous permettra de démêler les éléments typiques et de les retrouver dans leurs combinaisons variées. Mme Perier admirait précisément chez son frère son aptitude à se rendre compte des données mentales de ses interlocuteurs. Il connaissait, pense-t-elle, « tous les ressorts du cœur humain ». Cette faculté avait été développée en lui par la fréquentation des gens du monde ; elle s’est montrée utile dans la suite, quand il s’est agi pour lui de gagner des âmes pour la cause de la vraie Religion. Les preuves fournies par la spéculation sont peu efficaces. Concluantes ou non, leur action se borne aux moments ou nous subissons l’influence des mouvements intellectuels ; ensuite elles sont facilement oubliées. La bonne tactique, c’est de prendre les hommes au point où ils en sont restés et de leur montrer à aller de l’avant par leurs propres ressources : rien ne convainc mieux les hommes que les raisons qu’ils tirent de leur propre fonds. Il faut les aider à voir le mélange curieux de grandeur et de misère qu’est leur nature. La pensée pourra bien les enlever dans ses hautes régions, mais la concupiscence et les passions les ramèneront toujours vers la fange d’en bas. L’homme doit être amené à comprendre quel « monstre incompréhensible » il fait, et