Page:Revue de métaphysique et de morale - 1.djvu/65

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ainsi, nous le maintenons, il n’y a pas à dépasser le fait même de l’affirmation. Toutes les questions spéciales que l’ancienne métaphysique se posait sur Dieu considéré comme être distinct, ces mots étant pris dans le sens le plus large, et ses rapports avec le monde, sont supprimées ; et si en désignant cette conception du nom de « nihilisme métaphysique », le critique qui s’est servi de ces mots a entendu que nous croyons oiseuses les questions de cette nature, nous acceptons le terme comme exact.

Mais, remarquons-le bien, si nous repoussons toutes ces hypothèses sur le fait suprême et ses rapports avec les choses, si même nous croyons qu’elles sont contradictoires à ce fait, et qu’elles le nient en prétendant le justifier, c’est moins parce qu’elles vont au delà, que parce qu’elles sont au-dessous de notre science. Car elles expriment seulement une forme possible de la vérité fondamentale, une entre une infinité d’autres possibles. Dire : cela est vrai, c’est dire bien plus que cela est réel ; puisque la réalité ne peut être posée qu’une fois posée la vérité. De la conscience intellectuelle, disions-nous, nous pouvons affirmer seulement qu’elle est vraie, non qu’elle est réelle ; mais que disions-nous seulement ? Dire qu’elle est vraie, c’est affirmer d’elle bien davantage. Songeons que tous ces êtres conscients, que tout cet immense univers, que tout ce que nous disons être et vivre, tout cela est moins vrai qu’il n’est vrai que le choix par moi de ma raison comme juge est la vérité. Car je ne pourrais appliquer à la nature ce mot : être, si je ne prenais d’abord possession de ma conscience intellectuelle ; et lors même que je me figure penser cette nature comme indépendante de cette conscience, je la pose toujours inconsciemment comme objet d’une raison qui la pense. Ce qui juge tout, ce par quoi nous comprenons toute chose peut être plus que toute vérité, plus même que toute vérité idéale élevée à l’éternel. Et ainsi cela est plus que tout le reste. En renonçant donc à parler de la première vérité, je ne la relègue pas pour cela dans je ne sais quel silence de mort et d’inconscience. La vérité et, à plus forte raison, la vérité idéale et, parmi les vérités idéales, la première de ces vérités est autant et plus que les êtres, qui ne sont en somme que des « lois internes » et eux aussi, par suite, en quelque façon, des vérités éternelles. Nous ne savons ce qu’est la loi, la vérité, ou si elle est à part et comme pour elle-même, en