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dans la succession des temps, et ne devant pas se reproduire. Or de cela il peut bien y avoir expérience, mais il ne peut y avoir science.

Bref, la réalité et l’intelligibilité de l’univers sont, aux yeux de M. Fonsegrive, deux termes exactement équivalents, et que l’on peut échanger l’un pour l’autre : erreur fondamentale qui vicie toutes les démonstrations du livre, de là en effet résulte d’abord une fausse conception de la science. Nous lisons, par exemple (p. 165), que « dans le monde où il n’y a que des atomes en mouvement sans aucune loi du mouvement, toutes les combinaisons des atomes sont possibles, il est possible que le soleil quitte demain, tout à l’heure même, sa place centrale dans notre système, et s’en aille animer d’autres mondes, ou qu’il s’éparpille en poussière à travers l’espace, ou que, dans une chute foudroyante, il écrase toutes les planètes. » — Remarquons d’abord que, dans ce passage, la pensée de M. Fonsegrive reste obscure. Veut-il dire, en effet, simplement, que l’on ne peut concevoir un univers d’atomes en mouvement, sans une loi du mouvement ? Or en vérité les deux termes ne sont pas séparables : l’idée d’un univers où il y aurait un nombre infini d’atomes n’est qu’une idée abstraite, un schématisme propre à la représentation d’une loi du mouvement. — Ou bien veut-il dire, plutôt, que cette loi du mouvement, une fois accordée, aura pour rôle de garantir la durée, peut-être l’éternité de tel ou tel groupement particulier d’atomes ? Mais une loi ne signifie jamais qu’une possibilité indéfinie de cas particuliers ; quant à la réalisation, en tel ou tel point déterminé de l’espace et du temps, de cette possibilité, elle relève de l’observation, de l’histoire, non de la science qui démontre. Conçu comme un pur système de lois, le système solaire ne devient pas, il est éternel ; tel était le point de vue cosmographique de l’astronomie grecque. Point de vue d’ailleurs conventionnel et abstrait, qui négligeait les irrégularités réelles du mouvement des corps célestes, afin de les soustraire à l’histoire. Au contraire, c’est à un point de vue historique et évolutionniste que se place l’astronomie moderne. Ce sont toujours les deux faces nécessairement présentes dans tout fait de conscience ; le sens commun ne les discerne pas, mais il appartient au logicien d’affirmer que l’objet de la science n’est pas de fonder, par exemple, l’éternité du système solaire, — ou encore, si l’on nous permet cette témérité d’expression, que la science n’a pas pour objet la réalité de son objet.

Prenons-nous maintenant des exemples de démonstration ; d’ordre purement métaphysique. Voici à peu près comment raisonne M. Fonsegrive, pour démontrer que la causalité par contact immédiat est impossible (p. 124-5). L’action par contact immédiat est inintelligible : car parler du contact de deux particules corporelles situées à la superficie des corps en contact, c’est dire : ou que les deux particules ont des relations géométriques identiques avec les corps environnants ; mais alors elles sont une, et de proche en proche les deux corps auxquels elles appartiennent se réduisent à un point unique ; — ou, au contraire, que les deux particules n’ont pas des relations identiques avec les corps environnants ; mais alors il n’y a plus contact, et s’il y a action de l’un des deux corps sur l’autre, cette action est une action à distance. — Or, répondrons-nous, nous ne contes-