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Enfin, pour les dédoublements de la conscience, ils sont, en général, plus apparents que réels : ils sont dus, le plus fréquemment, à la coexistence ou à la succession de groupes divers d’idées-forces rangées sous une idée dominante, groupes dont la synthèse est restée imparfaite. Il n’y a vrai dédoublement que dans les cas rares où la synthèse manque totalement, la mémoire ne reliant pas les phases de l’existence consciente : l’alternance des personnalités se ramène ainsi à l’alternance des mémoires. Malgré ses exagérations chez certains psychologues, cette doctrine du dédoublement de la personnalité révèle la légitime tendance de la psychologie actuelle à restreindre de plus en plus le rôle de l’inconscient dans le domaine de la vie. Pour M. Fouillée, comme l’on sait, l’inconscient est une chimère : la conscience peut s’affaiblir ou se déplacer ou se dédoubler, mais non disparaître. C’est sur cette déclaration qu’il termine son œuvre : « La création et l’annihilation du mental, dit-il, sont aussi inconcevables que la création ou l’annihilation du mouvement. On posera donc bientôt en principe la continuité, la permanence et la transformation des modes de l’énergie psychique, germes des idées-forces. Une science plus avancée que la nôtre découvrira la vie partout, et, avec la vie, du mental à un degré quelconque, de la sensation et de l’appétit, si bien qu’on aura fini par exorciser le fantôme de l’Inconscient et par reconnaître ce que nous avons proposé d’appeler l’ubiquité de la conscience » (II, 410).

II


L’ouvrage que nous venons de résumer est plus qu’un traité de pure psychologie ; sa véritable importance est, comme d’ailleurs certains passages le déclarent assez nettement[1], de donner une base psychologique au monisme. Une fois qu’on lui a reconnu ce but, l’œuvre s’éclaire, et dans sa méthode, et dans sa doctrine fondamentale, et dans les applications particulières de celle-ci ; c’est ce que nous allons essayer de montrer. Quels sont les véritables adversaires du monisme ? Ce sont les théories monistes qui ne prennent pas dans la conscience le type de l’existence universelle, car alors la conscience, avec son caractère absolument sui generis, restera toujours irréductible au type choisi. L’inverse au contraire ne se présentera pas ; car en donnant à toute chose le caractère d’existence qu’offre la conscience en général, l’on ne peut pas appauvrir l’être, l’on ne court pas le danger de supprimer une partie de la réalité ou de laisser quelque chose inexpliqué, car l’existence consciente est la plus riche qui nous soit connue. En d’autres termes, l’on peut bien ramener l’inférieur apparent à un supérieur, mais non réduire le supérieur (apparent et réel à la fois) à un inférieur considéré comme réellement tel : ce serait violer le principe e nihilo nihil. Aussi M. Fouillée qui ne s’arrête même pas à combattre le dualisme, système évidemment transitoire, s’attaque-t-il vivement au monisme matérialiste sous sa forme psychologique de l’épiphénoménisme. — Mais, d’autre part, pour

  1. I, p. XL ; II p. 6 ; p. 205 à 211.