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tuelle et, en premier lieu, des principes d’identité et de raison suffisante, dans les lois de la vie individuelle et sociale ; mais leur origine radicale est dans la constitution interne de l’organisme vivant, c’est-à-dire dans le vouloir, fonction propre de la vie psychique. Or l’identité n’est pas seulement une forme constitutionnelle de la conscience : celle-ci ne saisissant jamais qu’action et réaction, l’idenlité est avant tout un mode d’action et de déploiement de la volonté (II, 147). La loi logique est originairement une loi psychologique : « elle est la position de la volonté et sa résistance à l’opposition des autres choses : je veux, donc je suis ». Comme nous ne pouvons connaître les objets que dans et par la conscience, la loi d’identité devient pour nous une loi universelle et nécessaire des objets.

Le principe de raison suffisante ou d’intelligibilité universelle est, à l’origine, le principe selon lequel la volonté se déploie. Car à cause des voies déjà creusées, la ligne de la moindre résistance, c’est-à-dire de la moindre peine ou du bien pour la volonté, fut de réagir semblablement devant les objets semblables. Par suite, la volonté instinctive n’eut qu’à prendre conscience d’elle-même et de son mode d’action pour devenir « ordre, régularité, loi vivante, lex insita ». Ainsi le principe de raison suffisante eut pour caractère originaire d’être une loi de l’action, qui est primitive, non de la connaissance comme telle et pour elle-même, qui est dérivée : la question première en présence d’un objet fut, non pas : qu’est-ce ? mais : que faire ? Puis l’être, au lieu de considérer seulement la succession de la sensation au mouvement, finit par considérer la succession en général : c’est la considération de la causalité scientifique remplaçant celle de la causalité primitive, c’est-à-dire appétitive. Au début, le principe d’intelligibilité exprime le rapport uniforme des volontés entre elles (II, 153). Plus tard, l’intelligence, extrayant le raisonnement de l’action, pose le principe d’une manière abstraite et l’étend à l’universalité des choses. En cela elle est encore la volonté intelligente qui veut sa propre conservation et son propre progrès ; elle se maintient le plus possible : 1o par le maintien de son identité avec soi ; 2o par la recherche de la plus grande identité des autres choses avec elle-même, c’est-à-dire de l’intelligibilité (II, 154).

L’idée des lois de la nature n’est que le principe de raison appliqué aux changements de l’expérience. L’affirmation de ces lois, dans ses deux éléments — tout phénomène est le conséquent d’un autre, et : les mêmes antécédents ont les mêmes conséquents, — a son origine psychologique dans la loi de succession essentielle à la conscience. Mais elle reste ainsi purement empirique : le caractère de nécessité est donné à l’idée de loi par l’axiome logique d’identité d’où l’on peut la conclure. Toutefois la nécessité logique reste conditionnelle : jusqu’ici le principe, une fois la non-influence du temps et de l’espace constatée par l’expérience, a la forme : s’il y a des phénomènes semblables, ils auront tels antécédents semblables. Pourquoi, en fait, attendons-nous des phénomènes semblables ? La notion de loi de la nature ayant, comme celle de toute relation, un côté mathématique, enveloppe des principes mathématiques « qui commencent à lui conférer un caractère de nécessité assertorique ». Mais comment la similitude qualitative nous est-elle donnée ? Par quoi sommes-nous assurés de la reproduction qua-