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doit être complétée par l’explication sociologique. L’expansion est aussi, avant de se réaliser au dehors, un phénomène interne, un phénomène social de sympathie et de synergie entre les cellules de l’organisme. De là l’association des sensations analogues entre elles et des sensations avec les sentiments semblables et la similitude d’expression qui en résulte. De là aussi le concert parfait de toutes les parties de l’organisme qui caractérise le langage vrai des émotions.

Quant à l’interprétation des signes émotifs, elle s’explique par la continuation en autrui de la contagion sympathique qui s’est manifestée d’abord à l’intérieur de notre corps (p. 173). La vue des mouvements d’autrui tend à les réaliser en nous et en se réalisant ils reproduisent les émotions qui leur correspondent.

Livre troisième. — L’étude de la mémoire, qui fait l’objet du livre III, nous conduit à la même conclusion générale que celle de la sensation et de l’émotion. Les trois opérations impliquées dans tout acte de mémoire, conservation, reproduction des images, reconnaissance, sont dans un rapport étroit avec l’appétit.

Tout d’abord, les images n’étant, sous certains rapports, qu’une répétition des sensations avec les mouvements cérébraux et musculaires à l’état naissant, leur conservation est une habitude. À ne considérer que le côté mécanique, l’habitude s’explique à la fois par la persistance des vibrations et par celle des résidus qui se réduisent eux-mêmes à des formes et directions constantes des vibrations : il est superflu de faire intervenir ici les lois vitales en donnant comme base à la mémoire des « dispositions fonctionnelles » ; les lois vitales ne sont qu’une explication provisoire et doivent se ramener à des lois mécaniques. Et sous ce rapport purement physique, non seulement tout ce qui est organisé, mais tout ce qui est capable de répéter le même mouvement est une mémoire. Mais cette mémoire mécanique n’est que le phénomène extérieur et superficiel. La vraie mémoire, le souvenir, est essentiellement psychologique : son explication fondamentale est dans la réaction appétitive inséparable de toute sensation et qui tend à l’écarter ou à la maintenir selon son caractère désagréable ou agréable ; une fois produite, cette réaction est plus facile à reproduire, en vertu de la diminution obtenue des résistances et de l’adaptation corrélative. C’est avec cette réaction, prenant la forme de l’attention, que commence seulement l’image mnémonique primaire, le souvenir proprement dit, en tant que distinct des reproductions passives d’images, telles que les sensations consécutives, les sensations récurrentes et les hallucinations. — La considération des phases de la dissolution de la mémoire fournit la contre-épreuve de la théorie qui fait de l’émotion et de la réaction motrice les principaux facteurs du souvenir : en dernier lieu disparaissent les mouvements automatiques qui ne sont que l’expression superficielle du processus appétitif primordial, et les états affectifs de tout genre (sentiments, appétits, émotions fondamentales). La loi de régression dans les amnésies du langage corrobore aussi la théorie. La seconde fonction de la mémoire, le rappel des souvenirs, s’exerce selon les lois de l’association des idées, contiguïté et similarité. Les rationalistes s’enferment dans un cercle vicieux quand