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dait : Qu’est-ce que l’être ? et si en cherchant d’après ses propres principes une réponse à cette question, je trouve qu’il faut, en ce qui concerne la première vérité et par suite le système tout entier des choses, la supprimer, en réalité je la supprime moins que je n’y donne une réponse nouvelle. Si la métaphysique de la nature, de l’efficacité naturelle aboutit à la certitude morale même, la morale prolonge la nature, et en ce sens qu’il y a accord entre toutes les formes d’être que nous connaissons, nous pouvons dire que l’être est dans le sens de la conscience morale.

Là est la différence de la conception que nous exposons et de la doctrine de Kant. C’est bien, à vrai dire, le kantisme, moins le noumène. Mais cette suppression est essentielle. Car si cette suppression est possible, c’est que nous réconcilions la métaphysique de la res æterna, de l’être, avec la morale par la reconnaissance de l’identité de leur principe. Et par cette reconnaissance, la certitude morale cesse d’être le fait humain auquel la nature donnée ou je ne sais quelle nature supérieure pourrait bien contredire, mais devient le fait universel. Nous pouvons appeler Dieu cet accord de la nature pour ainsi dire tout entière dans l’affirmation de la certitude morale. Affirmer Dieu, c’est affirmer le fait moral, sans restriction.

Nous comprendrons mieux encore le sens de cette doctrine si nous l’opposons à celle de l’ancienne métaphysique ; car après cette correction apportée au kantisme, la nuance qui sépare l’une de l’autre paraîtra à quelques-uns peut-être inappréciable. Et c’est l’objection essentielle que l’on peut poser du point de vue de la métaphysique de l’être qui nous permettra de mieux comprendre et ce qui nous en rapproche et ce qui nous en distingue. Car sans accepter cette objection et les conséquences qu’on en voudrait tirer, nous pensons qu’elle constate un fait important et que l’expression défectueuse qu’elle en donne est cependant, si on l’interprète hien, à conserver.

Il suit aussi de notre correction apportée au kantisme une conséquence pratique importante et que nous comprendrons mieux aussi, quand nous aurons rapproché l’ancienne métaphysique et la doctrine que nous défendons : rapprochement qui ressortira, comme nous avons dit, de l’objection fondamentale que nous opposent les métaphysiciens de l’être.