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I

Dans une longue introduction, l’auteur établit le caractère et les prémisses de sa théorie. Son but est de réagir à la fois contre la doctrine matérialiste de l’épiphénomène et contre l’intellectualisme. L’intérêt, dit-il, consiste surtout à rechercher quelle est l’eflicacité de la pensée en nous et hors de nous (p. v). Or toute efiicacité est refusée à la pensée dans le matérialisme et dans l’intellectualisme dont la commune erreur est de réduire tous les faits mentaux à la représentation, qui est dépourvue de tout caractère dynamique, et d’ailleurs dérivée. La psychologie des idées-forces, au contraire, part de ce principe que l’élément universel de la vie mentale est un processus indivisiblement sensitif, émotif et appétitif, qui, réfléchi sur lui-même, est une idée au sens cartésien et spinoziste, c’est-à-dire un discernement inséparable d’une préférence (p. ix). Ainsi se lient indissolublement l’intelligence et la volonté, et à tout état de conscience est inhérente une force, force qui représente celle même de la conscience entière à un moment donné. Physiologiquement, la force des idées consiste « dans la loi nécessaire qui unit tout état de conscience distinct, toute idée (au sens cartésien) à un mouvement conforme, lequel, s’il n’est pas empêché, réalise l’idée au dehors » (p. 11). Basée sur ces principes, la psychologie n’est plus une science des reflets, mais des réalités et même de la réalité par excellence ; c’est le mouvement qui n’est qu’un mode de représentation.

Si la psychologie doit ainsi réagir contre l’épiphénoménisme, elle doit aussi cesser d’être purement analytique. Elle doit, comme la biologie, prendre le caractère synthétique, étudier toujours les phénomènes dans leur relation, constamment impliquée, avec le sujet sentant et voulant qui réagit, et, aussi, considérer l’évolution mentale de l’être sentant. Mais par quel mode d’action se manifeste le sujet conscient ? Ce mode est la tendance à une fin. C’est dans le principe tout psychique de l’intérêt qu’il faut chercher l’explication profonde de la vie et surtout de la lutte pour la vie. La psychologie complète ainsi le déterminisme mécanique et extérieur par lequel la biologie explique la vie : dans l’être vivant, causalité et finalité trouvent leur identité dans la volonté et l’on peut définir la psychologie, l’étude de la volonté. La question est ici de savoir — dernière transformation du problème — si, dans l’être tendant à une fin et doué de volonté, il existe vraiment une activité d’ordre mental, qui justifie l’expression d’idées-forces (p. 21). M. Fouillée défend contre Münsterberg et W. James le caractère actif du sujet conscient, caractère qui est manifeste dans le plaisir et la douleur, dans le désir et l’aversion. Quant à ceux qui nient non plus seulement l’activité, mais l’existence même de la conscience, en soutenant que pour sentir nous devons changer notre sensation en représentation et en posant ainsi une « conscience objective », M. Fouillée n’a pas de peine à les réfuter en distinguant ce qu’ils confondent, à savoir la conscience réfléchie et la conscience spontanée. Celle-ci n’est ni une faculté, ni un acte distinct : elle est, dit-il avec une rare justesse, l’immédiation des fonctions