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tiel n’est donc, à vrai dire, que le travail effectif et actuel des forces intérieures du système, changé de signe. Par conséquent, en dépit de son nom, il n’est rien de virtuel ou de potentiel, au sens philosophique de ces mots ; il n’a rien de commun avec cette réserve de force latente que les métaphysiciens et les poètes sont trop souvent tentés de se figurer comme un principe occulte de vie et d’action. Ils ne sont pas, au reste, les seuls à commettre cette erreur ; et, s’il leur fallait une excuse, ils pourraient alléguer qu’un physicien, M. Raoul Pictet, a osé concevoir le libre arbitre comme le potentiel du cerveau.

Ces notions élémentaires étant rappelées, voici, semble-t-il, le point faible du raisonnement de M. Weber : « Tous les systèmes oscillatoires sont des systèmes conservatifs » (p. 445) ; sans doute, mais tous les systèmes conservatifs ne sont pas oscillatoires, autrement dit, n’ont pas un mouvement périodique. Or c’est sur la périodicité nécessaire du mouvement d’un système conservatif que paraît reposer la critique de la physique évolutionniste : « Les systèmes fermés, dont l’énergie totale est constante, sont donc des systèmes oscillatoires » (p. 446). Ailleurs, il est vrai, M. Weber est moins affirmatif : « Conservation de l’énergie et rythme sont des notions presque corrélatives » (p. 445). Nous verrons tout à l’heure que cette réserve prudente est tout à fait justifiée.

Pour montrer qu’un mouvement soumis au principe de la conservation de l’énergie peut n’être pas périodique, nous ne pouvons prendre un meilleur exemple que celui que M. Weber lui-même nous propose à l’appui de sa thèse. Le pendule simple, en effet, est un système conservatif par excellence, et son mouvement est en général périodique. « En général », disons-nous, mais non pas toujours : c’est ce que nous allons faire voir le plus clairement qu’il nous sera possible.

Le pendule simple est un point matériel pesant M assujetti à se mouvoir sans frottement sur une circonférence située dans un plan vertical[1]. Soit PP’ son diamètre vertical, P le point le plus haut, P’ le point le plus bas de la circonférence. On sait que P est la position d’équilibre instable, et P’ la position d’équilibre stable pour le point mobile M : placé en un de ces deux points sans vitesse initiale, il y reste indéfiniment. Dans tout autre cas, c’est-à-dire avec d’autres conditions initiales (vitesse ou position), il se met en mouvement. Dans ce mouvement, la vitesse du point M, en un point quelconque de la circonférence, est égale en grandeur à celle qu’aurait le point M au même point en tombant librement et sans vitesse initiale à partir d’un certain plan horizontal fixe. Soit Π ce plan, XY son intersection (horizontale) avec le plan de la circonférence ; elle est perpendiculaire à la verticale PP’. La loi des vitesses du point M a une expression très simple, susceptible d’une représentation géométrique ; la vitesse en chaque point a son carré proportionnel à la hauteur h du plan Π au-dessus de ce point, c’est-à-dire à la distance (verticale) de ce point à la droite XY[2]

  1. Le lecteur est prié de faire la figure qui est extrêmement simple.
  2. Voici comment la formule des vitesses se déduit immédiatement du prin-