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tion et un sens déterminés), qui est égale, non pas au « rapport de l’accélération à la masse », mais au produit de l’accélération par la masse. Or, dans ce produit les deux facteurs sont hétérogènes et jouent un rôle tout différent ; l’accélération est, comme la force, une grandeur linéaire dirigée tandis que la masse est un coefficient numérique essentiellement positif. En un mot, l’accélération est une longueur ; la masse est un nombre ; leur produit est une longueur qu’on nomme la force[1].

La différence entre la force et l’énergie n’est pas moins profonde. Aussi le principe suprême de la physique évolutionniste, que M. Spencer appelle « persistance de la force », n’est-il nullement équivalent au principe de la conservation de l’énergie. Si l’on définit la force comme nous venons de le faire (et c’en est la seule définition scientifique et rigoureuse), le principe de la persistance de la force signifie que la quantité de force reste constante dans l’univers, ce qui est absolument faux.

Quant au principe de la conservation de l’énergie, seul connu en mécanique, il signifie que l’énergie totale d’un système isolé, soumis à des forces centrales qui ne sont fonctions que de la distance mutuelle des points du système, reste constante dans toutes les transformations du système. L’énergie totale est la somme de l’énergie cinétique (ou actuelle) et de l’énergie interne (ou potentielle) du système, de sorte que dans un système conservatif ces deux énergies varient en sens inverse. L’énergie cinétique est la somme des forces vives du système  ; elle ne dépend donc que de la grandeur ahsolue des vitesses des éléments du système. L’énergie interne est, au signe près, la fonction des forces intérieures du système c’est-à-dire une fonction dont la différentielle est la somme des travaux élémentaires de ces forces intérieures. C’est une fonction purement géométrique qui ne dépend que de la configuration du système, c’est-à-dire de la position relative de ses divers points ; et elle n’est déterminée qu’à une constante près, puisqu’on n’en connaît que la différentielle, ce qui permet d’en choisir arbitrairement la valeur initiale. Pour la définir plus clairement, on peut dire qu’elle est égale au travail total qu’effectueraient les forces intérieures du système, si on le ramenait à sa configuration initiale. Par exemple, l’énergie potentielle d’un corps pesant est égale au travail effectué pour l’élever au-dessus du sol à une certaine hauteur ; donc, comme ce travail, elle est proportionnelle à cette hauteur. Quand le corps tombe de cette même hauteur, la pesanteur effectue un travail égal et de signe contraire, qui, en vertu du théorème des forces vives, est constamment égal à la force vive du corps. En d’autres termes, à chaque instant, la force vive du corps est proportionnelle à la hauteur parcourue, et son énergie interne, à la hauteur qui reste à parcourir ; on comprend des lors que leur somme, l’énergie totale du corps, soit constante, et que le potentiel varie en sens inverse de la force vive pendant la chute. Le poten-

  1. Un exemple enfantin nous fera mieux comprendre : si j’ai 3 pièces de drap de 7 mètres de longueur chacune, je multiplie la longueur 7 par le nombre 3, et j’ai, non pas 21 pièces, mais 21 mètres de drap.