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les choses comme elles sont, indépendamment de notre sensibilité et des lois de notre esprit.

Avant d’aller en avant dans l’établissement d’une nouvelle théorie psychologique telle que M. Ampère la propose, je voudrais qu’on examinât :

1° Quelle espèce d’idées ou de notions nous pouvons nous former des noumènes purs, dépouillés de tout ce qui est phénoménal.

2° Si nous pouvons nous représenter un phénomène quelconque sans qu’il s’y joigne l’idée de quelque chose de nouménal ou d’absolu ; si le phénomène dépouillé de cette notion d’absolu peut être mieux conçu que cette notion elle-même sans le phénomène.

3° Si nous pouvons affirmer quelque ressemblance entre le noumène cru ou supposé constant et un phénomène semblable quelconque ; ou si la possibilité de la moindre ressemblance entre ce qui existe réellement et absolument et ce que nous pouvons concevoir à l’aide des formes de nos sens ou de notre esprit ne répugne pas, essentiellement, à une hypothèse qui se fonde sur ce principe que rien de ce qui est subjectif, ou qui nous est donné immédiatement comme fait, n’a d’existence réelle.

4° Si l’on peut donner le même nom, tel que cercle, ellipse, parabole, ou appliquer le signe d’une figure particulière, telle que l’Apollon du Belvédère par exemple, à ces modes de coordination des parties de l’étendue réelle ou de l’espace absolu que l’on prétend exister nécessairement et éternellement, indépendamment des conceptions de tout esprit, même de l’entendement divin qui, suivant Platon et Leibnitz, est la région propre des essences réelles ou des choses comme elles sont. Par suite si ce n’est pas un sujet perpétuel d’illusion et de discussions oiseuses que de transporter les signes de ce qui peut être vu, touché, figuré, ou conçu, à ce que l’on convient ne pouvoir être représenté d’aucune manière, de dire, par exemple, que l’Apollon du Belvédère existe de toute éternité dans le bloc de marbre.

Les systèmes de l’harmonie préétablie et des causes occasionnelles ont eu pour objet de détruire la réalité de l’action de l’âme motrice du corps, tandis que toute idée de causalité nous vient du sentiment intime de cette action.

Les phénomènes nous sont-ils donnés suivant certains modes d’union ou de coordination parce que ces modes d’union ont lieu entre les noumènes ou les choses telles qu’elles existent réellement