Page:Revue de métaphysique et de morale - 1.djvu/56

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Remarquons encore que nous ne supprimons nullement, comme on nous l’a reproché, la science, en admettant l’indétermination dans l’ordre de la nature. Car la nécessité devant se trouver toujours mêlée à la liberté, la recherche de la nécessité doit être poursuivie, quoique nous puissions demeurer convaincus de l’impossibilité d’atteindre à l’absolue nécessité. Contingence ne veut pas dire : possibilité du miracle. Nous n’avons pas à approfondir ici cette notion, ni à nous demander si elle se peut justifier par d’autres raisons. Mais il faut bien observer que la notion du contingent en est absolument distincte. Car qui dit miracle dit : fait que nous nous croyons en droit de poser comme en dehors de la série des faits. Or du point de vue où nous nous sommes placés, il apparaît qu’il n’y a pas de fait qui ne puisse être traité comme à la fois en continuité et en discontinuité avec l’ensemble des faits. De plus un fait quel qu’il soit, loin de pouvoir juger la certitude première, ne peut être que l’expression toujours inadéquate de celle-ci. Quand j’entendrais une voix dans l’air, disait à peu près Spinoza, qui me crierait : Je suis Jehovah ; quand cette voix ne serait pas le produit de mon imagination, et purement hallucinatoire, encore faudrait-il pour l’attribuer à Dieu, avoir de Dieu une certaine conception : de sorte que la raison demeure toujours juge du fait. Ce qui rend difficile à défendre rationnellement la notion du miracle, ce n’est ni l’indétermination, ni la soudaineté qu’elle suppose parfois dans les changements de la nature, ni la contradiction qui apparaît entre ces bouleversements et les lois naturelles actuellement connues : si contraires à l’expérience que soient en général de telles affirmations, si difficile qu’il soit d’en établir la preuve par des témoignages incontestables, ce n’est pas à la raison, mais à l’expérience seule de les contrôler. Ce n’est pas la notion du miracle en tant que fait, c’est la notion du miracle en tant que preuve qui est a priori contestable : elle renverse les rapports réels de la vérité idéale et du fait ; le fait est posé comme juge de la vérité. Or, quand de tels faits seraient réels, ce serait à la raison de les déclarer signes de la vérité morale intérieure et de les sanctifier par là. Et en les sanctifiant ainsi, elle n’aurait pour cela aucun droit de les attribuer seulement à tel pays ou à telle tradition historique ; de les mettre par là hors de la série des événements et de les traiter, pour ainsi dire, comme des phénomènes en soi.

    dans le cadre d’une étude générale telle que celle-ci. Il s’agirait surtout de marquer les rapports du nombre, de l’étendue, du temps, du mouvement : nous avons touché à la question ailleurs.