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nécessaire à l’expérience s’évanouisse au terme du procès dialectique ? que l’idée absolue, à laquelle vient aboutir la Logique, ait son centre en soi-même et soit capable d’exister par soi-même, abstraction faite de toute autre chose ? Un tel saut logique serait injustifiable ; mais rien n’oblige à admettre que Hégel ait eu une telle croyance.

D’abord, on peut maintenir que, dans l’idée absolue elle-même, la relation à l’expérience subsiste, sans que pour cela la méthode dialectique perde sa rigueur. Car il faut distinguer, entre les caractéristiques de l’élément immédiat qui nous est donné dans l’expérience, celles qui sont nécessaires à la constitution de l’expérience, et celles qui ne le sont pas. Cet élément est immédiat, voilà sa caractéristique essentielle : toute pensée connue de nous, toute pensée concevable n’agit que par médiation, et on ne peut admettre sans contradiction dans les termes, qu’elle existe à part d’une donnée immédiate sur laquelle elle puisse agir. Au contraire, ce n’est pas une caractéristique essentielle de cet élément immédiat qu’il soit en même temps contingent. « Le contingent, nous dit Hégel, peut être défini ce qui a le fondement de son être non en soi-même, mais en autre chose. » Or il est tout à fait possible de concevoir que, la science étant plus développée, nous devenions capables de remonter, des données immédiates de l’expérience, à une individualité, ou à un tout organique de la nature duquel toutes pourraient se déduire. La contingence se trouverait éliminée, puisque toute l’expérience serait rapportée à une unité et déterminée par sa notion. La seule question qui subsisterait serait : Pourquoi la nature ultime de la réalité est-elle telle, et non autre ? Mais cette question ne rendrait, à aucun degré, contingente la nature de la réalité ; car elle serait vide de sens. Des enquêtes sur la raison des choses n’ont lieu de se produire que dans les limites de l’univers dont elles présupposent l’existence ; nous n’avons nul droit de les faire porter sur l’univers lui-même. — Ainsi, dans le cas que nous supposions, toute contingence serait éliminée, mais un élément immédiat subsisterait. Nous connaîtrions toujours la réalité parce qu’elle nous est donnée, et non par la seule pensée.

Notre interprétation reste donc possible ; mais bien des témoignages, empruntés à la Logique de Hégel, nous autorisent à croire qu’elle est réelle. Ni lorsqu’il nous montre comment l’idée absolue se dégage des catégories immédiatement inférieures, ni lorsqu’il