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sales ne sauraient rendre exactement compte. Et c’est pourquoi nous avons dit ailleurs qu’il y avait non seulement de l’indétermination, mais comme une véritable désharmonie dans les choses, comme une sorte d’absurdité foncière, image de la dualité contradictoire qui constitue la liberté morale. La nécessité logique, d’autre part, ne peut non plus recevoir qu’une expression insuffisante dans la nécessité physique et la nécessité mathématique même qui, par cela seul qu’elles s’appliquent à des données, sont, par leur origine, contingentes, de sorte que nous apercevons en ce sens dans la nature la gravitation du déterminé vers l’indéterminé plus nettement encore que dans le premier fait.

Après avoir montré l’expression du fait fondamental dans les lois, nous pourrions la découvrir dans les existences et établir la hiérarchie des formes d’existence du point de vue de la liberté. De ce point de vue les choses nous apparaîtraient comme à Leibniz en elles-mêmes ou pour elles-mêmes, ce qui est équivalent, comme des unités du multiple dont la conscience est le type. Mais il est inutile dans cette étude de développer cette hiérarchie; tentative souvent faite et reprise ailleurs par nous-même[1].

Ajoutons cependant une remarque sur la nature et la place de l’étendue et du mouvement dans une telle doctrine. Si d’un tel point de vue les consciences nous apparaissent comme les réalités vraiment foncières, nous posons ainsi l’étendue et le mouvement comme les formes relatives à ces consciences mêmes sous lesquelles elles s’apparaissent les unes aux autres. Mais il n’en demeure pas moins vrai que nous ne pouvons expliquer comment de ces consciences résultent ces formes. Il nous faut, dès lors, admettre un μη ον irréductible à l’Idée : c’est le phénomène, semiens, dont tout l’être est d’être perçu, ce qui est bien une façon d’être. Peut-être, comme veut M. Lachelier, pourrait-on trouver dans l’άνάγχη physique, l’expression de cette conscience logique irréductible à la conscience morale, et cependant gravitant vers elle[2].

  1. Il y aurait beaucoup à ajouter à ces tentatives de déduction : on pourrait, par exemple, essayer, à la façon de Hegel, de déduire les catégories et les principes de l’entendement de ces deux degrés de la conscience : la quantité pourrait être rattachée sans doute à la conscience logique ; et de même la qualité à la conscience morale. Car la finalité, qu’est-ce autre chose que l’organisation de la qualité dans la nature ; et la conscience l’exemplaire de l’unité qualitative  ? De même, comme nous l’indiquons plus bas, l’espace et le temps symbolisent, selon M. Lachelier, le vide de l’idée d’être purement logique.
  2. Ici encore bien des distinctions seraient à faire : elles ne peuvent rentrer