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l’unité de cette Pensée l’individualité des êtres, etc. La nature même de la certitude première écarte ces questions. Nous demeurons à un point de vue strictement positif ; c’est ainsi, prétendons-nous, que la nature apparaît à celui qui a pris conscience de la certitude essentielle et essaye du point de vue de cette certitude d’organiser ses connaissances ; une fois dans l’état d’âme que nous avons défini plus haut — état d’âme théoriquement justifié, — nous voyons nécessairement les choses ainsi. Le terme « déduction » ne convient peut-être pas pour désigner cette hiérarchie de points de vue de la raison.

Tout d’abord souvenons-nous que le premier fait nous présente unies la nécessité et la liberté, sans que nous puissions les opposer l’une à l’autre. Souvenons-nous, de plus, qu’elles se conditionnent réciproquement quoique en des sens hiérarchiquement distincts : la conscience logique étant condition nécessaire de la conscience morale, et celle-ci l’achèvement naturel de celle-là. Ajoutons enfin que par cela même qu’elle l’achève, la conscience morale n’est pas la conscience logique, qu’elle la dépasse en la prolongeant.

De là suit que nous devons toujours trouver dans les choses, et la nécessité et la liberté impliquées dans le fait fondamental ; et la nécessité conditionnant la liberté et la nécessité gravitant vers la liberté, avec cette réserve cependant que la nécessité comme la liberté ne peuvent être dans le domaine de la nature qu’imparfaitement exprimées. La liberté en effet ne peut être qu’approximativement traduite par une existence donnée qui, par cela qu’elle est de la nature, de l’objet, est posée comme telle ou telle, et dès lors constitue un ensemble lié et soumis à des lois : la synthèse dans la liaison des êtres et même des phénomènes, dans le domaine de la vie, et celui même du mécanisme et de la mathématique, en un mot la contingence, telle est, dès lors, la seule expression de la liberté dans la nature[1]. Cette indétermination admet au reste tous les degrés, depuis la synthèse a priori des mathématiques jusqu’à l’imprévisibilité des phénomènes complexes de la vie morale et sociale ; depuis l’approximation continue dans le même ordre de faits, jusqu’à cette irréductibilité radicale de deux ordres de réalités, tels que la vie consciente et l’organisme, d’où, peut-être, il faudrait conclure en certains cas, par exemple, à la possibilité de rénovations et de crises spirituelles, dont toutes les investigations anatomiques et même cau-

  1. Voir sur ce point De la contingence des lois de la Nature, par M. E. Boutroux.