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juridiques dépendent de toutes les autres inventions sociales. Et l’auteur, à la suite de cette remarque, termine son livre non par une conclusion générale, mais par l’indication d’un certain nombre de similitudes entre le développement linguistique et le développement juridique, ce qui lui permet de préciser encore davantage l’idée qu’il faut se faire de celui-ci.


III

M. Tarde a-t-il établi l’une ou l’autre de ses thèses, la thèse négative par laquelle il retire la science du droit à la sociologie historique et biologique qu’il appelle évolutionniste, ou la thèse positive par laquelle il ramène cette science du droit à une théorie de l’imitation ?

Mais d’abord il ne réfute pas les conclusions de ses adversaires, il n’attaque que leurs arguments. Il ne prouve donc pas que leur théorie soit inexacte, mais seulement qu’elle est incertaine. Rien, montre-t-il, ne force à croire que toujours et partout le droit pénal se soit confondu à l’origine avec la vengeance familiale, que toujours et partout la propriété foncière ait été primitivement collective, que toujours et partout les contrats réels aient précédé les contrats consensuels ; mais il ne montre pas que rien force à le nier. En outre, il se borne à examiner un certain nombre de similitudes juridiques, qu’il a choisies d’une façon purement empirique, sans prouver qu’il n’en existe pas d’autres, comme si leur existence suffisait à établir la doctrine qu’il combat. — Le seul résultat négatif auquel il arrive, c’est donc que la théorie évolutionniste du droit peut être fausse, comme elle peut être vraie.

D’autre part, il montre qu’un certain nombre de similitudes juridiques, choisies également d’une manière purement empirique, s’expliquent par sa théorie, mais non que toutes doivent s’expliquer ainsi. — Il ne montre même pas que toutes les similitudes dont il admet l’existence s’expliquent par là, mais pour plusieurs d’entre elles, il montre seulement qu’elles peuvent s’expliquer ainsi. — Le seul résultat positif auquel il parvienne, c’est donc que sa théorie du droit peut être vraie, comme elle peut être fausse.

Si les faits particuliers qu’il énumère ne suffisent par eux seuls ni à réfuter la thèse de ses adversaires ni à prouver sa propre thèse, n’est-ce pas parce qu’il a écrit son livre sur les transformations du droit pour donner des exemples à l’appui d’une doctrine que déjà il considérait comme établie, et non pour démontrer une doctrine encore incertaine ? Ne présente-t-il pas son étude comme l’application au droit d’une théorie toute faite, et non comme une recherche de la vérité ? Et, par suite, n’est-ce pas cette théorie générale que nous devons examiner, pour voir d’abord s’il est nécessaire d’expliquer uniquement par elle toutes les similitudes sociales, parmi celle-ci toutes les similitudes juridiques ; ensuite si même il est possible que toutes ces similitudes ou seulement la plupart d’entre elles, s’expliquent ainsi ?