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c’est par l’effet d’une illusion que je me figure ainsi penser l’idée du vrai comme indépendante de ma conscience intellectuelle ; puisque je n’ai pu affirmer le caractère absolu et premier de cette idée que parce que je l’ai montrée identique à ma conscience intellectuelle même ; de sorte que cette idée du vrai n’est autre que ma conscience intellectuelle objectivée, matérialisée. Et lors même que je crois penser les essences comme indépendantes de ma conscience intellectuelle, je ne les pose comme essences, c’est-à-dire comme vraiment premières, que parce qu’inconsciemment je leur donne comme lieu ma conscience intellectuelle. Ainsi la raison logique comme la raison morale sont toutes deux, quoique à des degrés divers, des consciences.

La conscience logique ne peut donc être objectivée, transformée plus que l’autre en res æterna ; cependant ne lui serait-elle pas idéalement antérieure ?

En un sens, sans doute, la première est posée analytiquement par le fait même de penser, de sorte qu’elle est la condition absolument nécessaire de la conscience morale ; elle est cette possibilité d’affirmation impliquée dans toute pensée, au lieu que la conscience morale est le sujet que nous découvrons non analytiquement mais synthétiquement, en approfondissant cette possibilité d’affirmation. Mais si la certitude logique est la condition de la certitude morale, elle en est la condition mécanique en quelque sorte, comme l’inférieur l’est du supérieur ; au lieu que la certitude morale, approfondissement, comme nous avons vu, de la certitude logique même, et réalisation plus parfaite des conditions que la raison impose à la première certitude, est en dignité supérieure à la première, qu’elle achève.

Mais s’il n’y a pas subordination d’une certitude à l’autre, n’y a-t-il pas — peut-on insister — opposition de la certitude logique absolue à la certitude morale ? Nullement, et précisément parce que ces certitudes s’accompagnent toujours. La conscience logique n’est pas autre chose que la conscience morale ; elle en est la forme constante ; elle ne peut donc s’en détacher, pour s’y opposer. La conscience logique ne rend pas autres les existences auxquelles elle s’applique ; et parmi ces existences, à plus forte raison, la liberté ; ce cadre invariable est donné avec elle ; de même que Dieu, selon Leibniz, ne rend pas possible ce qui est impossible en soi, ni nécessaire ce qui est contingent, ne se surajoute pas aux choses, mais les prolonge et les complète éternellement. Et, d’autre part, la conscience morale n’est