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nerveux ou du cerveau moteur, etc. Ajoutez que l’activité motrice suppose outre la force motrice proprement dite une mémoire et une faculté de coordination motrice qui peut faire défaut, toutes les autres conditions étant réunies. Tout au moins l’on peut se demander si l’état de la nutrition est le seul facteur de cette activité. C’est un doute que peut suggérer ce que l’on sait des maladies variées qui empêchent l’expression motrice du désir. Et de fait il n’est personne qui ne connaisse d’admirables machines à digérer fort peu disposées à l’action, et des dyspeptiques très actifs : ce sont peut-être, dit M. Ribot, des nerveux à activité « spasmodique ». Est-ce toujours vrai ? En tout cas, cela exige une discussion, tout au moins une réserve.

III

La source commune de ces lacunes ou erreurs que nous nous sommes permis de signaler nous paraît être une certaine tendance à la généralisation, le besoin de simplifier et d’unifier, d’où la suppression constante des restrictions, des atténuations ; la superstition de certains modes simples d’explication considérés comme seuls légitimes et féconds ; en un mot une sorte de schématisme élégant, à la façon encore du xviiie siècle. Or cet esprit nous paraît assez différent de l’esprit de la science actuelle que caractérise surtout le besoin de distinctions et de nuances, la tendance à l’exacte délimitation des frontières, la liberté dans l’usage des hypothèses, en un mot l’esprit critique. Lisez M. W. James, M. Wundt, M. Pierre Janet, M. Binet même : ou dans un autre ordre d’études, comparez les théories de Mill ou de Spencer, à celles de M. Tarde, de M. Durkheim et déjà de M. Espinas, vous y trouverez — dans les synthèses même les plus larges — des retours incessants de la pensée sur elle-même ; moins d’intransigeance et de simplicité. M. Ribot qui représente pour beaucoup la psychologie positive appartient encore, peut-on dire, à la période dialectique, raisonneuse, de cette psychologie. Le recours à l’explication physiologique l’a sans doute sauvé — par exemple dans la question de l’unité du moi[1] — des difficultés et des échappatoires dialectiques du phénoménisme de Stuart Mill ou de M. Taine. Mais cette explication physiologique il l’a généralisée et simplifiée avec assurance ; et par là il demeure un de ces dialecticiens qu’il ne cesse de combattre.

Voici un bel exemple de cette dialectique physiologique : M. Ribot refuse dans sa Psychologie de l’attention de répondre à la question de savoir si l’attention (l’état de conscience) est cause des mouvements ou si elle en est l’effet, ou si elle en est d’abord la cause, ensuite l’effet. Il demande à ne pas choisir entre ces trois hypothèses d’une valeur purement logique et dialectique ; l’attention n’existe jamais in abstracto à titre d’événement purement intérieur ; c’est un état concret, un complexus psycho-physiologique[2]. Mais le dialecticien est ici M. Ribot, car pratiquement, au con-

  1. Voir les Maladies de la personnalité, p. 169.
  2. Ribot, Psychologie de l’attention, p. 38.