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dique, etc. ; distinctions auxquelles sans doute il faudrait en ajouter d’autres fondées sur la diversité des objets de la volonté.

Notons encore deux assertions jetées en passant, sous forme de parenthèse, comme indiscutables.

Parlant des sensitifs, M. Ribot nous dit : « Si on admet (ce qui nous semble incontestable) que les sensations internes, organiques, de la vie végétative sont la source principale du développement affectif, comme les sensations externes sont la source du développement intellectuel, il faut admettre ici une rupture d’équilibre en faveur des premières ». Nous avouons que cela nous semble fort douteux ; et nous nous demandons si les cas facilement observables et déjà cités par Maine de Biran, où en effet l’état de nos viscères détermine notre humeur, et ceux que la pathologie mentale ou générale peut ajouter à ceux-là, suffisent, pour établir cette proposition dans sa généralité. Ici comme ailleurs l’autonomie du système nerveux et cérébral paraît trop restreinte. Nous nous demandons si l’émotivité excessive ne dépend pas, dans un très grand nombre de cas, d’une certaine disposition nerveuse et cérébrale sur laquelle d’ailleurs on est loin d’être fixé, mais qui semble devoir être considérée pratiquement comme primitive. Il y a des répugnances même physiques, pour des aliments, par exemple, qui semblent tout à fait étrangères à l’état général de l’organisme. Il suffit de citer encore certaines douleurs nerveuses tout à fait disproportionnées avec le désordre de l’organe même qui y correspond pour montrer l’indépendance relative à l’égard des viscères du système nervoso-cérébral — en tant qu’agent du plaisir et de la douleur. — Les sensitifs nous semblent précisément ceux chez lesquels cette indépendance est la plus marquée. L’observation courante nous en apprendra sur ce point autant que la pathologie mentale. Et il faudrait selon nous précisément pour cette raison retourner les termes de la question du plaisir et de la peine, telle qu’on la pose ordinairement. De même qu’en somme c’est l’hallucination qui nous fait comprendre la sensation ; que la sensation est en elle-même un phénomène nervoso-cérébral qui peut ou non être provoqué par une excitation périphérique, de même les phénomènes du plaisir et de la peine sont essentiellement des faits nerveux et cérébraux qui peuvent avoir pour occasion l’état de notre organisme périphérique, mais qui peuvent aussi jouer tout seuls. Or ceux chez lesquels il en est ainsi seraient précisément les véritables « sensitifs ». M. Bain distingue fort justement les peines et les plaisirs correspondant à l’accroissement de la vitalité, et ceux qui correspondent à un état de stimulation du système nerveux. Ce sont ceux-là qu’il faudrait analyser d’abord ; et dans cette question, la lumière viendrait — pour employer la métaphore familière à M. Ribot — d’en haut, non d’en bas.

M. Ribot nous dit aussi, à propos des actifs, que l’activité se réduit en somme à un bon état de la nutrition. Ici encore il nous semble que l’assertion est trop générale. Si, considérant seulement l’activité motrice, nous songeons à toutes les causes qui peuvent interrompre la traduction d’un désir en mouvement musculaire — il semble téméraire d’affirmer que toutes ces causes se ramènent à un bon état de la nutrition, et non pas parfois à telle qualité congénitale des muscles ou des nerfs ou des centres