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purs que rien n’entame aux amorphes qui sont l’écho de leur milieu, des degrés infinis de plasticité. À mesure que l’on descend vers les amorphes, la part du caractère acquis augmente. Ce qui équivaut à dire que les vrais caractères ne changent pas.

Il

L’étude que nous venons d’analyser nous semble une des plus remarquables qu’ait écrites M. Ribot. Nous y retrouvons cette clarté élégante, cette limpidité d’exposition qui distingue tous ses livres ; et peut-être y noterait-on en plus des qualités plus proprement psychologiques — que la nature même de ses précédents ouvrages ne laissait pas à ce point paraître, — telles que l’observation exacte et fine de la vie, la richesse des aperçus sur la réalité concrète.

Nous n’avons pas l’intention de critiquer dans le détail un travail si plein de choses. Ce serait une œuvre oiseuse et trop facile ; car il n’est pas une classification de ce genre qui ne supporte d’infinies corrections et réserves. La psychologie concrète a surtout pour objet de nous fournir sur les caractères comme des signalements préalables, qui empêchent notre diagnostic moral de s’égarer, ou plutôt encore de se mouvoir entre des limites trop étroites. Une bonne classification des caractères doit nous prévenir des plus importantes combinaisons psychiques que peut nous présenter l’expérience. Elle doit surtout éveiller, orienter et assouplir en vue de la vie notre imagination psychologique : combien de malentendus entre deux âmes résultent du manque de cette imagination qui leur apprendrait à se pénétrer ! Mais il ne faut pas demander à de tels essais de tout prévoir ; et il serait trop aisé d’y remarquer quelques menues erreurs ou lacunes. Aussi tel n’est-il pas notre objet. Nous voudrions insister sur quelques points de la classification de M. Ribot, qui nous paraissent caractéristiques de sa méthode, caractéristiques aussi d’un certain type de psychologie, et d’un type qui, selon nous, est en train de se modifier, ou même de disparaître, qui date déjà en un mot. Nous les étudierons d’abord en eux-mêmes ; nous verrons ensuite quelle en est la signification au point de vue que nous indiquons.

Tout d’abord, nous ne pensons pas que l’on puisse d’une classification des caractères exclure les types psychologiques que nous désignerions sous le nom d’intellectuels et — qu’on nous passe cette expression abréviative — de volontaires.

« Ce qui est fondamental dans le caractère, dit M. Ribot, ce sont les tendances, impulsions, désirs, sentiments, tout cela, et rien que cela. » Et pour cette raison, il élimine de sa classification, ceux chez lesquels l’intelligence est comme hypertrophiée, ce développement excessif s’accompagnant en général d’une atrophie du caractère. Mais la question est précisément de savoir si, chez quelques individus, l’intelligence n’est pas un besoin aussi essentiel que les besoins proprement affectifs chez les autres hommes ; si, par suite, chez ces individus, la pensée ne détermine pas la