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philosophie Ia parole vivante du maître ; elle est surtout indispensable dans l’enseignement élémentaire, qui s’adresse à des auditeurs tout à fait novices.

— Mais le dialogue a d’autres avantages ; seul il permet au professeur de rester toujours à la portée de sa classe ; s’il dépasse la mesure dans ses questions, le silence de l’élève l’en avertit aussitôt. — Qu’entend-on par se mettre à la portée de la classe ? Ce n’est pas se laisser guider par elle, et n’exiger des élèves aucun effort ; — car où serait dans ce cas le profit ? et que deviendrait l’éducation de l’esprit ? — c’est plutôt prendre toujours les devants, sans s’avancer trop toutefois, et non sans s’arrêter souvent pour regarder en arrière. Il y a donc un équilibre à tenir entre le trop et le trop peu ; et cet équilibre est variable avec le talent du professeur, avec l’intelligence ou la maturité d’esprit de l’élève, avec la nature des sujets. Si parfois le cours d’un maître qui débute est un peu trop savant, la causerie risque d’effacer trop, au contraire, le rôle du professeur et de laisser la classe sans direction.

Nous croyons, comme M. Mélinand, qu’il est possible en philosophie d’amener un grand nombre d’élèves à poser des questions ou à donner même un avis personnel sur celles qu’on leur a posées ; mais notre expérience nous a montré qu’on obtient ce résultat sans substituer entièrement le dialogue au cours ; elle nous a appris aussi qu’on ne peut faire parler indifféremment et au même degré toutes les classes et tous les élèves sur tous les sujets. M. Mélinand attribue trop vite au système qu’il pratique sans doute avec succès lui-même des mérites qui sont bien plutôt ceux du maître, Il nous semble pourtant qu’en avançant dans sa discussion l’évidence des faits l’incline à faire une part toujours plus grande à ces qualités personnelles. Il reconnaît qu’on peut reprocher au dialogue d’égarer facilement le maître et les élèves ; mais ce défaut, dit-il, peut être évité, si l’on prend soin de préparer la leçon avec plus de soin encore que si on devait la faire, si l’on a un plan très précis et qu’on s’y tienne. — N’est-ce pas compter sur le talent du professeur pour corriger un défaut naturel au dialogue ? Supposons d’ailleurs ce talent aussi grand qu’il nous plaira ; les questions les plus précises comportent encore en philosophie des développements presque illimités, et si nous acceptons de l’élève certaines questions, pour user sincèrement du dialogue, il nous faudra les accepter toutes, et bien souvent nous nous laisserons égarer.

Avec de la conscience et de la bienveillance, réplique M. Mélinand, on ne connaît pas d’obstacles. Ajoutons-y une vraie conviction, et nous serons bien près de la vérité ; les difficultés de tous les systèmes peuvent trouver dans les qualités du maître un puissant palliatif. Mais si ces qualités importent plus que tout, pourquoi nous imposer d’avance un système étroit ? pourquoi surtout regarder ce système comme une panacée ?

Et si l’on ajoute enfin, comme un correctif nécessaire au dialogue, « la dictée d’un plan très court et très net, résumant les résultats acquis dans la leçon », on sera bien près de reconnaître que le dialogue n’a qu’une valeur toute relative. Alors nous ne voyons plus pourquoi on le donnerait comme une merveilleuse méthode d’enseignement, et pourquoi, après l’avoir