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voyez, que sur les phénomènes compris dans les deux premières lignes, sur lesquelles nous n’avons encore pu nous entendre. Je pense que cela tient à la manière fondamentale dont chacun de nous s’est accoutumé à considérer dans le principe les phénomènes de l’intelligence. Prévenu contre le système de Condillac qui réduisait toutes les facultés à un état de passivité complète, j’ai cherché d’abord à faire ressortir ce qu’il y a de vraiment actif en nous et j’ai découvert cette activité essentielle jusque dans ces phénomènes primitifs qu’on a appelés trop vaguement sensations ; je me suis attaché toujours à distinguer soigneusement les matériaux bruts de nos connaissances des actes de la force qui les met en œuvre, et j’ai cru que ces actes devaient être distingués, énumérés, et entrer comme éléments essentiels séparés des matériaux dans un tableau tant soit peu complet des phénomènes de l’intelligence. Vous me paraissez vous être attaché au contraire à la classification des matériaux, en faisant abstraction des actes ou opérations qui s’y appliquent, et dans votre système le sujet pensant est plutôt témoin ou spectateur de ce qui se trouvait déjà au dedans ou au dehors de lui sans lui, plutôt que l’agent ou le créateur de ces phénomènes réalisés sans son concours. Voilà pourquoi vous distinguez tant de phénomènes avant l’autopsie, pourquoi vous leur donnez le même nom après qu’auparavant ; vous avez imité Kant.


VI


Lettre de Biran à Ampère[1].


En rapprochant ce qui a été dit dans toutes les lettres antérieures, je trouve : 1° que vous confondiez autrefois, sous le titre général de système intuitif ou actuel, les intuitions proprement dites (c’est-à-dire ce qui se voit ou se représente au dehors) et les affections qui n’ont en elles-mêmes aucun caractère représentatif ; vous employiez alors cette formule affections d’intuition, pour exprimer les affections présentes ou actuelles et les distinguer de celles que vous nommiez affections de commémoration, ces dernières étant considérées comme

  1. Écrite probablement peu de temps après la lettre précédente, c’est-à-dire en 1808. On trouve vers la fin de cette lettre une allusion à une lettre d’Ampère du 14 novembre 1807.