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et quoiqu’elles les composent réellement dans notre organisation actuelle, en s’y associant par simultanéité, ne doivent-elles pas bien en être distinguées par une analyse exacte comme des parties hétérogènes par leur nature ? et faudra-t-il leur donner le même nom avant l’autopsie, ou leur conserver après cette signification identique ? Observez, je vous prie, qu’il y a telles sensations (si l’on veut maintenir la signification générique de ce terme) qui ne sauraient avoir lieu avant l’autopsie et qui ne naissent qu’avec elle ou par elle, ou qui dépendent enfin des mêmes conditions originaires : telles sont les perceptions du toucher dont je parlais tout à l’heure et aussi celles de la vision et de l’auscultation active, à qui la force hyperorganique naissante donne une autre direction, une autre portée et un caractère tout nouveau ; tel que ce sont vraiment d’autres modifications quoiqu’ayant toujours le même siège extérieur. Peut-on donner dans ce cas le nom de phénomènes indépendants de l’autopsie à des phénomènes qui lui sont intimement liés et qui tiennent d’elle leur caractère et leur forme ? et comment le titre d’intuition propre à ces sortes de représentations spontanées passives où tout est confondu, pourrait-il s’approprier à ces modes activés par la force hyperorganique qui seule éclaire, précise, distingue dans la perception intellectuelle ce qui est confondu ou senti en masse dans la sensation passive[1].

Quant aux sensations purement affectives, il n’y a de telles, dites-vous, que celles qui nous rendent heureux ou malheureux sans que nous sachions que nous les avons. Bien loin que je regarde cette expression comme paradoxale, je l’adopte au contraire dans toute son étendue et sa profondeur, au titre près de sensation que je n’accorderai point à des impressions qui affectent l’être sensitif sans que le moi le sache ou puisse s’en rendre compte. Vous croyez que ces affections sont limitées aux organes intérieurs où le moi ne peut les rapporter pour les reconnaître ou les localiser, et que toutes les autres impressions reçues par les sens externes ont une partie affective et une partie essentiellement représentative qui constitue sous ce rapport de véritables intuitions ; par exemple, les saveurs, les odeurs, plusieurs douleurs intérieures, la faim, la soif, sont reconnues par nous, nous savons quand nous les avons, nous les

  1. En marge : « Inconvénienl de confondre les sensations avec les intuitions ; les rapports de causalité, etc., ne sont point inhérents aux sensations affectives ».