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respond plus à un acte spécial de l’esprit, elle se réduit à une opération mécanique et passive, à la juxtaposition de deux idées, qui n’ayant point en elle de raison déterminante, demeure arbitraire, et fausse par conséquent. L’unique raison de cette fausseté, dit Spinoza, c’est que nous affirmons d’une chose quelque autre chose qui n’est pas contenue dans le concept que nous en avons formé, du cercle par exemple le repos ou le mouvement (I, 24). En joignant sans intermédiaire au concept primitif cette propriété de tourner autour du diamètre pour engendrer une sphère, propriété qui n’étant pas inhérente à l’idée de demi-cercle, ne peut s’en tirer par voie d^analyse, nous franchissons les bornes du concept primitif, à l’intérieur duquel nous nous étions nécessairement renfermés tant que nous avions affaire à la seule idée simple de demi-cercle, nous posons par suite un jugement qui est plus vaste que notre pensée réelle, qui ne peut plus trouver dans l’activité intellectuelle la garantie qui en doit faire la vérité. Or nous commettons toujours une erreur quand nous prétendons tirer d’une production partielle un produit total. Découvrir la cause de l’erreur, c’est en indiquer aussi le remède. Il suffira de totaliser la production, si l’on peut parler ainsi, c’est-à-dire de former par un effort nouveau de l’esprit un concept nouveau, plus étendu que le premier puisqu’il ajoute à la première idée, celle de demi-cercle, une seconde idée, celle de sphère, et simple en même temps puisqu’il renferme le rapport intelligible de ces deux idées, un concept qui soit à la fois somme et unité. Le passage de l’erreur à la vérité s’accomplit par une addition, par un enrichissement, disons le mot exact, par une synthèse. C’est dans cette synthèse perpétuelle que l’intelligence manifeste son activité et son efficacité, qu’elle corrige peu à peu « ce défaut de perception » (I, 24) qui limitait et mutilait ses idées, qu’elle les rend claires et adéquates. La révolution d’un demi-cercle était une conception fausse, lorsqu’elle était tout isolée dans l’esprit, ou, comme dit Spinoza, toute nue ; elle est vraie, quand elle est rapportée au concept de la sphère, ou à tout autre concept qui en contient en lui la cause déterminante (I, 25). La possession de la vérité a pour condition unique le libre progrès de l’activité intellectuelle. Cette conclusion apparaît d’autant plus facilement que notre investigation s’est portée sur une idée géométrique, c’est-à-dire sur une idée vraie dont l’objet dépend sans contredit de notre propre faculté de penser, sans trouver d’objet correspondant dans la