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à-dire que je ne puis douter d’abord de ma conscience intellectuelle : il y a donc là une sorte de nécessité interne qui ne se distingue pas, il est vrai, de ma conscience intellectuelle même, et par suite, ne s’oppose pas à elle comme du dehors, impliquée en elle en quelque sorte, mais cependant qui est comme un objet pour elle. Or, si je ne puis douter que je pense quand je pense, je puis ou non penser, être ou non raisonnable. Avant donc de se reconnaître comme intelligence logique, il faut que la conscience intellectuelle se pose elle-même. Être vraiment premier, absolu, c’est se poser. Et si la conscience intellectuelle que l’on peut appeler logique est déjà conscience, sujet, à plus forte raison celle-ci à laquelle j’aboutis par l’approfondissement de la première. En résumé, dans le « Je pense » de Descartes il entre deux éléments inséparables, et Descartes l’avait bien vu, car en même temps qu’il tirait du « Je pense » le critérium de l’évidence, il découvrait la liberté dans le fait de l’attention. Ces deux éléments sont d’une part l’évidence, la nécessité logique du « Je pense » une fois découvert, la liberté dans la position du « Je pense ».

Précisons la nature de ce degré supérieur de la conscience intellectuelle. La certitude fondamentale nous apparaît dès lors par opposition à la certitude logique, laquelle est immuable et figée non comme un donné, mais comme une action, un effort.

De plus, se déterminant elle-même, ma conscience intellectuelle, avant de s’appliquer à l’objet de la connaissance, rencontre, pour ainsi dire, ma vie à laquelle elle est, de fait, unie. Et la raison appliquée à la vie, c’est ce que nous appelons volonté pure, raison pratique. Ma conscience intellectuelle est donc la règle de ma vie, avant d’être la forme de ma connaissance.

De ce conflit de la conscience intellectuelle avec la vie résulte la certitude morale ou plutôt la certitude de l’obligation morale. Car d’une part je ne suis pas contraint ou entraîné ou engagé par une vérité objective à me déterminer : sans quoi cette certitude ne serait pas première ; et, d’autre part, du moment que je prends possession de ma conscience intellectuelle, ma conscience intellectuelle se sent déchue de prendre le parti de la nature, malgré toutes les séductions de celle-ci, elle se contraint donc elle-même, comme disait Kant : d’où la certitude de l’obligation morale. Certitude première et, par suite, autonome, tel est ce premier fait étrange.

Ce choix consiste donc dans la décision intérieure de ma raison se